Réunion Parisienne de Posturologie
du Mercredi 14 Janvier 2015

Le référentiel visuel et le référentiel proprioceptif
Gérard Di Mascio, Arnaud Lecerf

     Gérard nous a présenté une étude rigoureuse en posturographie opto-stéréométrique (SAM3D®) d'une intuition d'Henrique Martins Da Cunha (http://ada-posturologie.fr/DaCunha.htm). Ce génial clinicien portugais nous avait fait remarquer deux choses:
          o Les hommes ignorent la position de leurs pieds en évantail, ils les croient parallèles. Henrique nous proposait une petite expérience: «Debout, vous regardez devant vous, surtout pas vos pieds, et je les mobilise» Il les mettait parallèles «Et maintenant avec vos mains reproduisez la position de vos pieds...» Et bien sûr absolument tout le monde croyait qu'Henrique avait mis leurs pieds en adduction, alors qu'ils étaient seulement parallèles!... Henrique montrait aussi que les sculpteurs des arts naïfs représentent les hommes avec leurs pieds parallèles.
          o L'homme debout présente une très légère rotation autour de son axe vertical qui tend à porter en avant l'un de ses deux yeux.

     Gérard a demandé à une cohorte de sujets 'pied gauche dominant' de se positionner par rapport à un référentiel visuel très précis dans le plan frontal et il a enregistré leur posture et en particulier la position spontanée de leurs pieds. Sur 59 sujets, il mesure un angle entre les pieds de 15° environ (Donc la position des pieds est bien en évantail, mais pas à 30°) et il retrouve une discrète rotation des pieds par rapport au référentiel visuel de l'ordre de 1°.


(Voir les détails et les illustrations de l'expérience à cette adresse:

http://clinicalstabilometry.freeforums.org/post110.html - p110 ).

     Jean-Bernard Baron a attiré notre attention sur les modifications toniques qui se produisent à l'occlusion des yeux, elles apparaissent par une rotation du corps autour de son axe vertical et par une diminution de l'asymétrie de l'activité EMG des muscles des jambes à l'occlusion des yeux [1, 2]. Est-ce que cela est en rapport avec cette notion du double référentiel visuel et proprioceptif?

     Á la demande d'Éric Matheron, la discussion a été principalement orientée autour des conclusions qu'il est possible de tirer de ce travail pour définir les nouvelles normes internationales de stabilométrie clinique (Séville Juin/Juillet 2015). Éric rappelle qu'il ne suffit pas de stabiliser le regard dans le plan frontal, car la stabilité d'un sujet est aussi affectée par la position verticale de ses yeux. Serge Helbert et plusieurs autres participants, notamment de l'hôpital Saint-Maurice, ont insisté sur les contraintes posturales provoquées par une position imposée des pieds. Lionel Guérin propose que nous fassions attention au timing de la mise en position d'examen. Un nombre considérable de remarques fusent alors d'un peu tout les membres de l'auditoire qui soulignent tout ce que la pratique de la stabilométrie peut entraîner comme effets secondaires qui tendent tous à modifier le comportement du patient: sa vigilance pour regarder la cible visuelle, son impression d'être enfermé dans une cabine, le simple fait de se savoir l'objet d'une observation, etc. etc. Une réunion très riche d'une multitude d'interventions parfaitement justifiées... A telle enseigne que le projet d'une normalisation de la stabilométrie paraîtrait strictement aberrant si nous n'avions pas l'expérience que dans des conditions normalisées avec beaucoup moins de soins (NORMES85), nous avons obtenu quand même une répétabilité étonnante que ce soit des paramètres temporels [3] ou fréquentiels [4]. S'il est totalement exclu que la stabilométrie approche la finesse de l'examen clinique, il n'en reste pas moins qu'elle fournit un cadre biomécanique rigoureux à notre approche des patients fonctionnels et à leur rapprochement entre sujets à travers des normes ce qui nous permet de pénétrer dans le domaine de l'intersubjectivité, base de l'objectivité de notre travail.

     Finalement nous avons dit oui aux normes, oui à une position normalisée des pieds, évantail à 15°, 4 à 5 centimètres entre les talons. C'est ce que nous proposerons à Séville. Mais l'examen clinique est à l'évidence dominant!

Références
1. Gagey P.M. Asselain B., Ushio N., Leconte M., Baron J.B. (1977) Les asymétries de la posture orthostatique sont-elles aléatoires? Agressologie, 18, 277-283. Consultable à cette adresse:

http://ada-posturologie.fr/Asymetries_1977.pdf

2. Gentaz R., Asselain B., Levy J. Gagey PM - Approche électromyographique des asymétries de la posture orthostatique, Agressologie, 20, B, 113-114, 1979.

3. Gagey P.M. Weber B. (2010) Study of intra-subject random variations of stabilometric Parameters. Med Biol Eng Comput 48:833-835
4. Gagey P.M. Bizzo G., Debruille O., Lacroix D. (1985) The one Hertz phenomenon. In Vestibular and visual control on posture and locomotor equilibrium. Igarashi M., Black F.O
., Karger, Basel, 89-92.