Aristote (330 BC) avait déjà
compris que la position des parties du corps les unes par rapport
aux autres ainsi que leur position par rapport à l'environnement,
c'est-à-dire la posture corporelle sous son double aspect,
est l'expression d'activités supérieures. Parmi
toutes ces activités, les travaux de Newton ont focalisé
l'attention des occidentaux sur celles qui sont en rapport avec
la mécanique, l'équilibre des forces, la lutte du
corps de l'homme avec la gravité. Ce champ de recherche
s'est révélé fécond, particulièrement
en possibilité de mesures que cet article souhaite explorer,
mais il ne faudrait pas oublier que posture et équilibre
ne représentent qu'un volet de la posturologie. Les orientaux
ont remarquablement réussi à utiliser la posture
comme moyen d'expression de l'émotion, en particulier dans
le théâtre Nô, et de nos jours des orthophonistes
(Grini et al., 1999) mesurent la position réciproque
de certaines pièces squelettiques pour mieux observer l'expression
vocale.
Quoi qu'il
en soit, la posture renvoie toujours à ce qui la sous-tend
et la mesure en posturologie n'a d'intérêt qu'en
référence à ces activités supérieures
que la posture dévoile. Il n'y a pas de mesures posturales
sans concept postural. Ce qui nous oblige à proposer quelques
détours à l'écart de la métrologie
pure et dure. Pour présenter la mesure en posturologie
ne faut-il pas d'abord répondre à cette question:
finalement les posturologues mesurent quoi?
Vers le concept de système postural
|
En traçant dans son De motu animalium la verticale de gravité du corps de l'homme, Borelli (1679) a proposé que les lois de la mécanique ne soient pas réservées aux seuls corps célestes. Dès cet instant, posture et équilibre se sont trouvés reliés dans l'esprit des hommes, mais il a fallu attendre les débuts du XIXe pour que Charles Bell (1837) pose la question du contrôle postural: «Il est évident que l'homme possède un sens par lequel il connaît l'inclinaison de son corps et qu'il possède l'aptitude à la réajuster et à corriger tout écart par rapport à la verticale. Quel sens est-ce donc?» Quelques années plus tard, Karl von Vierordt (1860) rectifie la question de Charles Bell en remarquant que le contrôle postural n'est pas l'effet d'un seul sens mais de toute une série d'informations sensitivo-sensorielles: visuelles, tactiles de la plante des pieds, proprioceptives. Et Vierordt a alors l'intuition que les enregistrements de la posture de l'homme debout au repos sont susceptibles de nous renseigner sur le fonctionnement de ce qui n'est pas encore nommé système postural mais dont le concept déjà est présent pour l'essentiel; il enregistre les tout premiers signaux stabilométriques. |
La présentation actuelle du système postural ne fait que reprendre dans un langage contemporain ces avancées progressives.
Le système postural
Contrôle
en rétroaction
Le
corps de l'homme est mécaniquement instable puisque son
centre de masse est situé au-dessus de son centre de pression
sur le sol. Dès que la résultante des forces de
gravité n'est plus alignée avec la résultante
des forces de réaction au sol, un couple se créé
qui tend à accélérer la chute du corps. La
stabilisation de ce corps mécaniquement instable requiert
donc un système de contrôle en rétroaction
dont les entrées soient capables de déceler le moindre
écart par rapport à la position d'équilibre
afin de commander, dans les meilleurs délais, les réactions
appropriées à un retour vers cette position d'équilibre.
Les
Entrées du système: Exo- et Endo-entrées.
Les
exo-entrées de ce système de contrôle sont
au nombre de trois, universellement admises: l'oeil, l'oreille
interne, le pied, et jusqu'à présent nous n'en connaissons
pas d'autre. Comme elles sont directement en rapport avec le monde
extérieur, elles peuvent capter directement les mouvements
du corps par rapport à l'environnement. On les appelle
les «exo-entrées» du système postural.
Seuls des organes sensitivo-sensoriels en rapport avec l'environnement
peuvent permettre la stabilisation précise de l'homme dans
son environnement.
Mais l'oeil
tourne dans l'orbite alors que le vestibule est bloqué
dans le massif pétreux. Les informations de position fournies
par la vue ne peuvent donc pas être comparées aux
informations de position fournies par l'oreille interne si la
position de l'oeil dans l'orbite n'est pas connue du système
postural. L'oculomotricité qui donne cette information
est donc une entrée nécessaire du système
postural bien qu'elle n'ait aucune relation directe avec le monde
extérieur; c'est une «endo-entrée» du
système postural.
Le même
raisonnement s'applique au rachis - en particulier à ses
deux parties les plus mobiles, cervicale et lombaire - ainsi qu'aux
articulations des membres inférieurs qui donnent la position
de «l'exo-capteur plantaire» par rapport aux «exo-capteurs
céphaliques».
La
sortie du système
Les
réactions cinématiques appropriées à
la stabilisation du corps de l'homme entraînent une mobilisation
- Soit du centre de pression,
- Soit du centre de masse,
pour les rapprocher de la même verticale de gravité.
Or ces deux tactiques sont très différentes. La
masse corporelle agit comme un filtre passe-bas, elle limite la
rapidité des déplacements du centre de masse (la
fréquence propre du pendule humain est de l'ordre de 0,3
Hz). Les déplacements du centre de pression, au contraire,
mettent en mouvement des masses considérablement moins
importantes, ils peuvent donc être beaucoup plus rapides,
donc plus efficaces, et demander moins d'énergie.
Manifestement
le fonctionnement du système postural n'est pas univoque.
Le système postural d'aplomb
Les médecins proposent d'isoler, sous le nom de système postural d'aplomb, le sous-système postural qui contrôle la stabilisation de l'homme debout au repos. En fait ce sont les malades qui leur ont appris la différence entre contrôle postural dynamique et contrôle postural quasi-statique: les «névrites vestibulaires» par exemple à un certain stade, quand ils marchent, ils se cognent contre tous les montants de portes alors que, debout au repos, ils sont capables de se tenir normalement.
Or cette
notion d'un système de contrôle propre à la
stabilisation de l'homme debout au repos est cohérente
avec certaines données fondamentales sur la sortie et les
entrées du système.
«Le
corps est constitué de la superposition de modules (jambes,
tronc, tête, bras). Chaque module est lié au module
sous-jacent, sur lequel il prend appui, par un ensemble de muscles
qui disposent de leur propre régulation centrale et périphérique,
destinée à maintenir la position de référence
du module. Les réflexes de redressement illustrent cette
organisation modulaire (Rademaker, 1931)» (cité de
Massion, 1997). Or dans la station debout au repos cette organisation
modulaire, en pendules multiples, se modifie pour transformer
le corps en un unique pendule inversé (Winter et al.,
1997), ce qui réduit les degrés de liberté
que le système postural doit contrôler, accélère
donc la survenue des réactions motrices et finalement améliore
la stabilisation au point de la rendre d'une finesse étonnante.
Cette tactique
du pendule inversé est cohérente avec la tactique
de mobilisation du centre de pression, ensemble elles réalisent
la tactique du balai - pendule tenu, renversé, en équilibre
sur le bout de l'index - dont on a déjà noté
qu'elle était la tactique la plus rapide, la plus efficace,
la moins onéreuse du point de vue énergétique.
Les entrées du système postural d'aplomb, aussi, sont spécifiées par leur objet. Les canaux semi-circulaires interviennent dans le contrôle postural dynamique, mais pas dans le contrôle de la posture orthostatique (Fitzpatrick & Mccloskey, 1994), les accélérations des oscillations posturales sont alors inférieures au seuil de perception de ces capteurs (Gagey & Toupet, 1988). Le gain des fuseaux neuromusculaires augmente considérablement lorsque les étirements musculaires sont du même ordre de grandeur que l'amplitude des oscillations posturales orthostatiques (Matthews & Stein, 1969).
Que faut-il mesurer en pratique médicale?
A partir de ce concept du système postural - d'aplomb ou non - il est possible de dresser un inventaire des mesures qui sont susceptibles d'intéresser les thérapeutes (Nashner et al.,1982;
Gagey & Weber, 1999):
º La position moyenne de la verticale de gravité par
rapport à un référentiel corporel, car elle
permet d'apprécier la symétrie des contraintes qui
s'exercent sur les articulations de l'axe corporel (Bricot, 1996).
º L'écart-type par rapport à cette position
moyenne, car elle permet d'apprécier l'efficacité
du système de contrôle qui doit stabiliser la position
du centre de masse.
º La dépense d'énergie pour obtenir cette efficacité.
º La raideur musculaire, car elle conditionne l'organisation
modulaire du corps en pendule inversé.
º L'amplitude des oscillations posturales en fonction des
fréquences pour contrôler l'impact des rythmes biologiques,
en particulier du rythme de la ventilation, sur la stabilité
corporelle.
º L'intégration des différentes afférences,
visuelles, vestibulaires, cutanées plantaires, dans le
contrôle postural, car elle n'est pas automatiquement garantie.
º L'importance relative de ces différentes afférences
dans le contrôle postural (Nashner & Woollacott, 1979).
º Le nombre, l'interdépendance et/ou la hiérarchie
des facteurs qui interviennent dans la dynamique non linéaire
du contrôle postural.
º L'indépendance des oscillations posturales frontales
et sagittales, car elle garantit un traitement sous-cortical des
informations (Ferrey & Gagey, 1988).
A la recherche d'un appareil de mesure
Depuis
Vierordt (1860), qui fixait une plume sur la tête de ses
sujets pour inscrire les oscillations corporelles sur une feuille
enduite de noir de fumée, jusqu'à l'apparition des
plates-formes de forces couplées à un ordinateur
- un siècle plus tard - les tentatives de mesure en posturologie
se sont heurtées à la mêmes difficulté:
trouver un appareillage qui
- ne modifie pas le phénomène observé,
- fournisse un signal analysable.
Car le gribouillis
des premiers enregistrements de Vierordt ne se prêtait guère
à l'analyse et les grattements de sa plume sur le papier
fixé au plafond fournissaient une information complémentaire
dont on sait aujourd'hui qu'elle modifiait le phénomène
(Gurfinkel, 1973, a).Sur cette époque de recherche du meilleur
appareillage possible pour faire des mesures en posturologie nous
disposons de 25 références bibliographiques qui
témoignent et de la vigueur de cette recherche et de l'imagination
des chercheurs. L'ataxiamètre de Miles (1922) mérite
d'être cité car il a été, plus que
d'autres, utilisé et/ou plus ou moins copié par
d'autres auteurs (Fearing, 1924; Hellebrandt, 1938).
Vers la fin
des années 60 un élève ingénieur du
M.I.T. de Cambridge a consacré sa thèse de technologie
à l'étude du système postural en tant que
système cybernétique (Nashner, 1970). Il a ensuite
proposé d'observer ce système de contrôle
en ouvrant ses différentes boucles de rétroaction,
selon la technique classique en ingénierie. Dans ce dessein,
le sujet est placé debout dans un appareil qui asservit
aux mouvements du centre de gravité du sujet les mouvements
de son environnement visuel et/ou de la plate-forme sur laquelle
reposent ses pieds. Le défi technologique d'un tel appareillage
est considérable, notamment pour obtenir des délais
de réponse des systèmes mécaniques qui soient
cohérents avec la rapidité des réponses du
système nerveux central de l'homme. L'environnement visuel
de l'appareil doit couvrir la totalité du champ visuel
et se situer à plusieurs centimètres du corps du
sujet (liberté de mouvement du corps, problème d'accommodation
visuelle) cet environnement est donc nécessairement constitué
par une cabine de grandes dimensions dont les mouvements doivent
être si possible instantanés, réguliers, silencieux,
sans oscillations, sans décalage de phase avec les oscillations
posturales... Il est loin d'être sûr que cet outil
ne modifie pas le phénomène qu'il observe, mais
il est sûr par contre qu'il n'a pas aidé les auteurs
qui s'en servent à comprendre la finesse du contrôle
de la posture orthostatique. Cependant l'appareil de Nashner mérite
d'être cité car il a manifestement contribué
aux progrès des connaissances sur le système postural
dans les conditions dynamiques de la lutte contre les déstabilisations
extérieures, il est encore utilisé et le sera sans
doute encore longtemps par les thérapeutes qui travaillent
dans ces conditions.
La construction,
en 1952, de la première plate-forme de forces française
par le professeur Scherrer (Ranquet, 1953) a affranchi l'appareillage
de toutes modifications physiques du phénomène observé.
L'analyse du signal par des techniques analogiques restait alors
une prouesse de technologie, mais l'arrivée des ordinateurs
a facilité cette analyse qui, à partir des années
1980, a même commencé à être utilisée
en pratique médicale courante grâce aux micro-ordinateurs.
Les plates-formes de stabilométrie
L'usage
de plates-formes de stabilométrie s'est très vite
répandu dans les laboratoires de recherche - sauf aux U.S.A.
qui ont utilisé presque exclusivement l'appareil de Nashner
pendant de nombreuses années -. Les modèles de plate-forme
variaient au gré de leurs constructeurs qui ont utilisé
soit des capteurs de forces (jauges de contrainte ou quartz piézo-électriques)
soit des capteurs de longueur (plongeurs électromagnétiques)
groupés par quatre ou par trois sous la plate-forme, avec
une plate-forme par pied ou une plate-forme pour les deux pieds,
etc. L'invention et l'innovation étaient reines dans les
années 60/70, et cela se conçoit aisément
dans le contexte de recherche qui dominait cette époque.
Les fondamentalistes
se sont alors regroupés au sein d'une société
internationale de posturographie fondée à Amsterdam
en 1969 et dont le premier congrès eut lieu en 1971 à
Madrid (Cf. Agressologie 1972, tome 13, numéros
B & C). Les quelques cliniciens qui participaient aux travaux
de cette société ont essayé de faire comprendre
leur problème: un médecin ne peut pas faire un enregistrement
stabilométrique de ses patients avant qu'ils soient malades!
Alors qu'un fondamentaliste peut enregistrer ses sujets d'expérience
avant et après les manipulations qu'il leur impose. Les
médecins ont donc besoin de normes statistiques pour situer
leurs patients dans une distribution, les fondamentalistes non.
Cette demande des médecins a été entendue,
une commission de normalisation a été formée,
confiée à Kapteyn (Kapteyn et al., 1983),
mais au congrès de Houston il est devenu évident
qu'il était trop tard pour proposer des normes internationales
de construction d'une plate-forme de stabilométrie, il
y avait déjà trois entreprises différentes
qui commercialisaient des plates-formes de stabilométrie
différentes au Japon, il nous a semblé impossible
d'imposer arbitrairement l'une d'entre elles comme la norme internationale.
La plate-forme de l'Association Française de Posturologie
Au retour
de ce congrès de Houston, les membres de l'Association
Française de Posturologie, conscients de cet échec
international ont souhaité qu'au moins en France sinon
en Europe, existe une plate-forme de stabilométrie clinique
normalisée (AFP, 1984). Ils ont aussitôt entrepris
la rédaction d'un cahier des charges pour la construction
d'une plate-forme standard. Plusieurs directives ont orienté
leurs choix:
- La plate-forme était destinée aux cliniciens,
pas spécialement aux fondamentalistes,
- Son coût devait en permettre une large diffusion,
- Ses performances seraient limitées à l'étude
clinique de ce qui avait déjà été
étudié en laboratoire.
Les normes
publiées (Bizzo et al., 1985) prévoyaient les caractéristiques
des trois jauges de contrainte, leur situation au sommet d'un
triangle équilatéral, la rigidité des plaques,
la hauteur des jauges, l'échantillonnage du signal à
5Hz, etc.
Le prototype
de cette plate-forme a servi à faire une première
étude statistique fouillée des valeurs, et de la
répétabilité, des paramètres stabilométriques,
relevés dans des conditions d'examen strictement normalisées
(position du sujet, environnement, consignes). Malheureusement
l'ensemble de ces Normes85 constitue un document beaucoup
trop volumineux (270 pages) par rapport à ses espoirs de
diffusion pour avoir pu être confié à un éditeur
ou une revue, il n'est disponible que sous forme d'un document
photocopié, auprès de l'Association Posture et Équilibre
(Nouveau nom de l'Association Française de Posturologie)
et auprès des constructeurs de plate-forme normalisée
(AFP, 1985).
La première
série de plates-formes construites en Italie selon les
normes AFP a été l'occasion d'une nouvelle analyse
statistique des valeurs des paramètres stabilométriques
recueillis dans les conditions normalisées de l'AFP (Guidetti,
1989). La cohérence de ces deux études statistiques
entre elles et avec les publications internationales a été
jugée suffisamment satisfaisante pour que de nouvelles
études ne soient pas entreprises, au moins jusqu'à
présent.
[A l'instar
de l'Association Française de Posturologie, le constructeur
japonais 'Anima' a étudié et publié récemment
un travail statistique sur les valeurs des paramètres stabilométriques
obtenus dans sa configuration, devenue entre temps une des plus
usitée au Japon (Imaoka et al., 1997)]
Une évolution
des normes de construction de la plate-forme AFP est à
l'étude (Gagey et al., 1999; Gagey et al.,
2000) car l'échantillonnage à 5 Hz, qui n'est plus
justifié par des considérations de mémoire
des ordinateurs, et bien qu'il reste excellent pour les paramètres
stabilométriques classiques (Gagey et al., 1999),
ne permet pas de faire certaines analyses, comme l'analyse dynamique
non linéaire du signal stabilométrique (Gagey &
Sasaki, 2000).
Que mesure la plate-forme de stabilométrie?
La plate-forme
de stabilométrie mesure, à chaque instant d'échantillonnage,
la position du point d'application des forces de réaction
qui s'opposent au déplacement de la plate-forme sous l'impulsion
de la masse corporelle, autrement dit la position du centre de
pression, exprimée dans un référentiel à
deux dimensions dont le plan coïncide avec celui du polygone
de sustentation et dont l'origine est située, par convention,
au barycentre du même polygone. Ce centre de pression n'est
pratiquement jamais confondu avec la projection du centre de gravité
du sujet sur le plan de son polygone de sustentation car le corps
de l'homme n'est pratiquement jamais en état d'équilibre,
mais le centre de pression se déplace continuellement de
part et d'autre de la projection du centre de gravité (Winter
et al., 1998; Hugon, 1999) pour la stabiliser, comme dans
la tactique du balai. Le centre de pression présente donc
des oscillations rapides autour des oscillations plus lentes du
centre de masse. Comme le montrent les statistiques d'analyses
fréquentielles (Gagey et al., 1985) et les analyses de
diffusion (Collins & De Luca, 1993), ces oscillations rapides
du centre de pression ne sont pas contrôlées, ce
qui est contrôlé ce sont les oscillations lentes
qui correspondent aux mouvements du centre de masse (Gurfinkel,
1973, b).
A partir
de ce signal, il est possible d'obtenir la plupart des mesures
qui intéressent le thérapeute:
º La position moyenne de la verticale de gravité,
X-moyen et Y-moyen, car le moyennage fait disparaître le
«bruit» du centre de pression (Paramètres normalisés).
º L'écart-type par rapport à cette position
moyenne, dont l'expression la plus rigoureuse est fournie par
la surface de l'ellipse de confiance contenant 90% des positions
échantillonnées du centre de pression (Takagi et
al.,1985) (Paramètre normalisé).
º La dépense d'énergie peut être grossièrement
évaluée par le rapport entre la longueur totale
des déplacements du centre de pression et la surface à
l'intérieur de laquelle il évolue: paramètre
de Longueur en Fonction de la Surface, LFS (Norré in Gagey
& Weber, 1999) (Paramètre normalisé). Ce paramètre
est corrélé au spectre de puissance dans la bande
de fréquence 1 Hz (Vallier, 1994).
º La mesure de la raideur musculaire par le paramètre
stabilométrique VFY est actuellement l'objet de discussions
(Gagey, 1999).
º L'amplitude des oscillations posturales, en X et en Y,
en fonction des fréquences s'est révélée
répétable pour un même sujet, elle a donc
fait l'objet d'une étude statistique dans la bande de fréquence
0,2 Hz chez le sujet normal (Gagey & Toupet, 1998) (Paramètres
normalisés).
º L'intégration des afférences visuelles dans
le contrôle postural est évaluée par le quotient
du Romberg, simple rapport entre les paramètres de surface
dans les deux situations visuelles, yeux ouverts et fermés
(Njiokiktjien & Van Parys, 1976))(Paramètre normalisé).
º La fonction d'intercorrélation entre les oscillations
posturales frontales et sagittales permet de tester leur indépendance,
ce qui est la situation normale (Kapteyn, 1973).
º A l'instant t, il ne se passe rien, si on veut étudier
la dynamique d'un système, il est nécessaire que
les observations de son devenir dynamique s'étalent sur
une certaine durée. A partir de la série temporelle
des positions successives du centre de pression, le théorème
de Takens autorise la construction de l'attracteur du système
dans l'espace des phases, ce qui permet de tester le nombre, l'interdépendance
et/ou la hiérarchie des facteurs qui interviennent dans
la dynamique non linéaire du contrôle postural (Le
Van Quyen et al., 1998; Gagey & Sasaki, 2000).
La plate-forme instrument de mesure
Comme
la plate-forme de stabilométrie fournit des évaluations
chiffrées de dimensions physiques exprimées dans
le système CGS, elle jouit d'un statut potentiel d'instrument
de mesure. Cependant actuellement aucune plate-forme de stabilométrie
ne peut être réellement considérée
comme un instrument de mesure car aucun fabricant de plate-forme
ne fournit d'étude de l'incertitude de son instrument de
mesure. Quelle est notre certitude sur la véracité
des mesures affichées par ces instruments?
L'incertitude,
a,
d'un instrument de mesure est exprimée par un rapport sans
dimensions:
où Di représente l'écart par rapport à la valeur vraie d'une mesure déterminée i.
Faute d'études
poussées sur l'incertitude des chaînes d'acquisition
utilisées en stabilométrie, la seule donnée
dont nous disposions est leur résolution théorique,
limitée à 0.16 Newtons environ par l'usage qui est
actuellement fait de convertisseurs 12 bits pour la lecture d'une
pleine échelle de 650 N environ. En sachant qu'on néglige
une série d'incertitudes de l'instrument de mesure (incertitude
de finesse, de rapidité, de stabilité, etc.), on
peut dire que l'écart par rapport à la valeur vraie
d'une mesure déterminée i est, au minimum,
de l'ordre de 0.16 N, Di = 0.16.
L'expression,
très approchée, de l'incertitude des
mesures de forces à l'aide des chaînes actuelles
devient donc:
Où dF représente la variation de force mesurée par chacune des jauges.
L'incertitude
des plates-formes de stabilométrie est donc très
mal connue. Et il faut reconnaître qu'une étude de
l'incertitude d'un instrument de mesure est un travail très
lourd pour lequel les constructeurs ne sont pas aidés.
Même la simple réception de conformité d'une
plate-forme de stabilométrie par un laboratoire indépendant
accrédité est impossible car aucun laboratoire ne
dispose d'une accréditation du Cofrac pour des instruments
réalisés avec un montage de capteurs de forces.
«Aucun laboratoire n'est accrédité pour la
réception de plates-formes de forces. Des laboratoires
sont accrédités [seulement] pour étalonner
les capteurs de forces qui équipent ces plates-formes»
(Cofrac).
Aussi nous
estimons actuellement que la plate-forme de stabilométrie
construite selon les normes de l'AFP, qui échantillonne
ses mesures cinq fois par seconde et les numérise sur douze
bits, avec une précision requise de l'ordre d'un millième
de l'étendue de mesure, représente un instrument
de mesure suffisamment imprécis pour ne pas exiger autre
chose qu'un contrôle régulier du bon fonctionnement
des jauges de contraintes; un affichage, par exemple, du poids
de la jupe de la plate-forme lors de l'étalonnage qui précède
chaque séance de mesures (affichage qui a été
supprimé par certains constructeurs, ce qui est une erreur).
Mais le jour
où seront construites et vendues des plates-formes de stabilométrie
dont la précision requise sera de l'ordre du dix millième
de l'étendue de mesure, il sera nécessaire de contrôler,
non seulement à la réception mais encore régulièrement,
ces nouvelles plates-formes(Browne & O'Hare, 2000).
Conclusions
La recherche
fondamentale a fait beaucoup pour le développement de la
mesure en posturologie. La recherche clinique a montré
que ces mesures en posturologie ne sont pas simplement utiles
mais qu'elles sont indispensables. On peut souhaiter que la recherche
appliquée intervienne maintenant pour que les posturologues
puissent disposer d'instruments de mesure de plus en plus performants.
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