La mesure en Posturologie
Par Pierre-Marie GAGEY* et Guy BIZZO**
*Institut de Posturologie, Paris
**Bureau National de Métrologie, Paris

(4 Janvier 2001)


     Aristote (330 BC) avait déjà compris que la position des parties du corps les unes par rapport aux autres ainsi que leur position par rapport à l'environnement, c'est-à-dire la posture corporelle sous son double aspect, est l'expression d'activités supérieures. Parmi toutes ces activités, les travaux de Newton ont focalisé l'attention des occidentaux sur celles qui sont en rapport avec la mécanique, l'équilibre des forces, la lutte du corps de l'homme avec la gravité. Ce champ de recherche s'est révélé fécond, particulièrement en possibilité de mesures que cet article souhaite explorer, mais il ne faudrait pas oublier que posture et équilibre ne représentent qu'un volet de la posturologie. Les orientaux ont remarquablement réussi à utiliser la posture comme moyen d'expression de l'émotion, en particulier dans le théâtre Nô, et de nos jours des orthophonistes (Grini et al., 1999) mesurent la position réciproque de certaines pièces squelettiques pour mieux observer l'expression vocale.
     Quoi qu'il en soit, la posture renvoie toujours à ce qui la sous-tend et la mesure en posturologie n'a d'intérêt qu'en référence à ces activités supérieures que la posture dévoile. Il n'y a pas de mesures posturales sans concept postural. Ce qui nous oblige à proposer quelques détours à l'écart de la métrologie pure et dure. Pour présenter la mesure en posturologie ne faut-il pas d'abord répondre à cette question: finalement les posturologues mesurent quoi?


Vers le concept de système postural

 
      En traçant dans son De motu animalium la verticale de gravité du corps de l'homme, Borelli (1679) a proposé que les lois de la mécanique ne soient pas réservées aux seuls corps célestes. Dès cet instant, posture et équilibre se sont trouvés reliés dans l'esprit des hommes, mais il a fallu attendre les débuts du XIXe pour que Charles Bell (1837) pose la question du contrôle postural: «Il est évident que l'homme possède un sens par lequel il connaît l'inclinaison de son corps et qu'il possède l'aptitude à la réajuster et à corriger tout écart par rapport à la verticale. Quel sens est-ce donc?» Quelques années plus tard, Karl von Vierordt (1860) rectifie la question de Charles Bell en remarquant que le contrôle postural n'est pas l'effet d'un seul sens mais de toute une série d'informations sensitivo-sensorielles: visuelles, tactiles de la plante des pieds, proprioceptives. Et Vierordt a alors l'intuition que les enregistrements de la posture de l'homme debout au repos sont susceptibles de nous renseigner sur le fonctionnement de ce qui n'est pas encore nommé système postural mais dont le concept déjà est présent pour l'essentiel; il enregistre les tout premiers signaux stabilométriques.

     La présentation actuelle du système postural ne fait que reprendre dans un langage contemporain ces avancées progressives.


Le système postural


     Contrôle en rétroaction
     Le corps de l'homme est mécaniquement instable puisque son centre de masse est situé au-dessus de son centre de pression sur le sol. Dès que la résultante des forces de gravité n'est plus alignée avec la résultante des forces de réaction au sol, un couple se créé qui tend à accélérer la chute du corps. La stabilisation de ce corps mécaniquement instable requiert donc un système de contrôle en rétroaction dont les entrées soient capables de déceler le moindre écart par rapport à la position d'équilibre afin de commander, dans les meilleurs délais, les réactions appropriées à un retour vers cette position d'équilibre.


     Les Entrées du système: Exo- et Endo-entrées.
     Les exo-entrées de ce système de contrôle sont au nombre de trois, universellement admises: l'oeil, l'oreille interne, le pied, et jusqu'à présent nous n'en connaissons pas d'autre. Comme elles sont directement en rapport avec le monde extérieur, elles peuvent capter directement les mouvements du corps par rapport à l'environnement. On les appelle les «exo-entrées» du système postural. Seuls des organes sensitivo-sensoriels en rapport avec l'environnement peuvent permettre la stabilisation précise de l'homme dans son environnement.
     Mais l'oeil tourne dans l'orbite alors que le vestibule est bloqué dans le massif pétreux. Les informations de position fournies par la vue ne peuvent donc pas être comparées aux informations de position fournies par l'oreille interne si la position de l'oeil dans l'orbite n'est pas connue du système postural. L'oculomotricité qui donne cette information est donc une entrée nécessaire du système postural bien qu'elle n'ait aucune relation directe avec le monde extérieur; c'est une «endo-entrée» du système postural.
     Le même raisonnement s'applique au rachis - en particulier à ses deux parties les plus mobiles, cervicale et lombaire - ainsi qu'aux articulations des membres inférieurs qui donnent la position de «l'exo-capteur plantaire» par rapport aux «exo-capteurs céphaliques».


     La sortie du système
     Les réactions cinématiques appropriées à la stabilisation du corps de l'homme entraînent une mobilisation
- Soit du centre de pression,
- Soit du centre de masse,
pour les rapprocher de la même verticale de gravité. Or ces deux tactiques sont très différentes. La masse corporelle agit comme un filtre passe-bas, elle limite la rapidité des déplacements du centre de masse (la fréquence propre du pendule humain est de l'ordre de 0,3 Hz). Les déplacements du centre de pression, au contraire, mettent en mouvement des masses considérablement moins importantes, ils peuvent donc être beaucoup plus rapides, donc plus efficaces, et demander moins d'énergie.
     Manifestement le fonctionnement du système postural n'est pas univoque.


Le système postural d'aplomb


     Les médecins proposent d'isoler, sous le nom de système postural d'aplomb, le sous-système postural qui contrôle la stabilisation de l'homme debout au repos. En fait ce sont les malades qui leur ont appris la différence entre contrôle postural dynamique et contrôle postural quasi-statique: les «névrites vestibulaires» par exemple à un certain stade, quand ils marchent, ils se cognent contre tous les montants de portes alors que, debout au repos, ils sont capables de se tenir normalement.
     Or cette notion d'un système de contrôle propre à la stabilisation de l'homme debout au repos est cohérente avec certaines données fondamentales sur la sortie et les entrées du système.
     «Le corps est constitué de la superposition de modules (jambes, tronc, tête, bras). Chaque module est lié au module sous-jacent, sur lequel il prend appui, par un ensemble de muscles qui disposent de leur propre régulation centrale et périphérique, destinée à maintenir la position de référence du module. Les réflexes de redressement illustrent cette organisation modulaire (Rademaker, 1931)» (cité de Massion, 1997). Or dans la station debout au repos cette organisation modulaire, en pendules multiples, se modifie pour transformer le corps en un unique pendule inversé (Winter et al., 1997), ce qui réduit les degrés de liberté que le système postural doit contrôler, accélère donc la survenue des réactions motrices et finalement améliore la stabilisation au point de la rendre d'une finesse étonnante.      Cette tactique du pendule inversé est cohérente avec la tactique de mobilisation du centre de pression, ensemble elles réalisent la tactique du balai - pendule tenu, renversé, en équilibre sur le bout de l'index - dont on a déjà noté qu'elle était la tactique la plus rapide, la plus efficace, la moins onéreuse du point de vue énergétique.


     Les entrées du système postural d'aplomb, aussi, sont spécifiées par leur objet. Les canaux semi-circulaires interviennent dans le contrôle postural dynamique, mais pas dans le contrôle de la posture orthostatique (Fitzpatrick & Mccloskey, 1994), les accélérations des oscillations posturales sont alors inférieures au seuil de perception de ces capteurs (Gagey & Toupet, 1988). Le gain des fuseaux neuromusculaires augmente considérablement lorsque les étirements musculaires sont du même ordre de grandeur que l'amplitude des oscillations posturales orthostatiques (Matthews & Stein, 1969).


Que faut-il mesurer en pratique médicale?


     A partir de ce concept du système postural - d'aplomb ou non - il est possible de dresser un inventaire des mesures qui sont susceptibles d'intéresser les thérapeutes (Nashner et al.,1982; Gagey & Weber, 1999):


º La position moyenne de la verticale de gravité par rapport à un référentiel corporel, car elle permet d'apprécier la symétrie des contraintes qui s'exercent sur les articulations de l'axe corporel (Bricot, 1996).
º L'écart-type par rapport à cette position moyenne, car elle permet d'apprécier l'efficacité du système de contrôle qui doit stabiliser la position du centre de masse.
º La dépense d'énergie pour obtenir cette efficacité.
º La raideur musculaire, car elle conditionne l'organisation modulaire du corps en pendule inversé.
º L'amplitude des oscillations posturales en fonction des fréquences pour contrôler l'impact des rythmes biologiques, en particulier du rythme de la ventilation, sur la stabilité corporelle.
º L'intégration des différentes afférences, visuelles, vestibulaires, cutanées plantaires, dans le contrôle postural, car elle n'est pas automatiquement garantie.
º L'importance relative de ces différentes afférences dans le contrôle postural (Nashner & Woollacott, 1979).
º Le nombre, l'interdépendance et/ou la hiérarchie des facteurs qui interviennent dans la dynamique non linéaire du contrôle postural.
º L'indépendance des oscillations posturales frontales et sagittales, car elle garantit un traitement sous-cortical des informations (Ferrey & Gagey, 1988).


A la recherche d'un appareil de mesure


     Depuis Vierordt (1860), qui fixait une plume sur la tête de ses sujets pour inscrire les oscillations corporelles sur une feuille enduite de noir de fumée, jusqu'à l'apparition des plates-formes de forces couplées à un ordinateur - un siècle plus tard - les tentatives de mesure en posturologie se sont heurtées à la mêmes difficulté: trouver un appareillage qui
- ne modifie pas le phénomène observé,
- fournisse un signal analysable.
     Car le gribouillis des premiers enregistrements de Vierordt ne se prêtait guère à l'analyse et les grattements de sa plume sur le papier fixé au plafond fournissaient une information complémentaire dont on sait aujourd'hui qu'elle modifiait le phénomène (Gurfinkel, 1973, a).Sur cette époque de recherche du meilleur appareillage possible pour faire des mesures en posturologie nous disposons de 25 références bibliographiques qui témoignent et de la vigueur de cette recherche et de l'imagination des chercheurs. L'ataxiamètre de Miles (1922) mérite d'être cité car il a été, plus que d'autres, utilisé et/ou plus ou moins copié par d'autres auteurs (Fearing, 1924; Hellebrandt, 1938).
     Vers la fin des années 60 un élève ingénieur du M.I.T. de Cambridge a consacré sa thèse de technologie à l'étude du système postural en tant que système cybernétique (Nashner, 1970). Il a ensuite proposé d'observer ce système de contrôle en ouvrant ses différentes boucles de rétroaction, selon la technique classique en ingénierie. Dans ce dessein, le sujet est placé debout dans un appareil qui asservit aux mouvements du centre de gravité du sujet les mouvements de son environnement visuel et/ou de la plate-forme sur laquelle reposent ses pieds. Le défi technologique d'un tel appareillage est considérable, notamment pour obtenir des délais de réponse des systèmes mécaniques qui soient cohérents avec la rapidité des réponses du système nerveux central de l'homme. L'environnement visuel de l'appareil doit couvrir la totalité du champ visuel et se situer à plusieurs centimètres du corps du sujet (liberté de mouvement du corps, problème d'accommodation visuelle) cet environnement est donc nécessairement constitué par une cabine de grandes dimensions dont les mouvements doivent être si possible instantanés, réguliers, silencieux, sans oscillations, sans décalage de phase avec les oscillations posturales... Il est loin d'être sûr que cet outil ne modifie pas le phénomène qu'il observe, mais il est sûr par contre qu'il n'a pas aidé les auteurs qui s'en servent à comprendre la finesse du contrôle de la posture orthostatique. Cependant l'appareil de Nashner mérite d'être cité car il a manifestement contribué aux progrès des connaissances sur le système postural dans les conditions dynamiques de la lutte contre les déstabilisations extérieures, il est encore utilisé et le sera sans doute encore longtemps par les thérapeutes qui travaillent dans ces conditions.
     La construction, en 1952, de la première plate-forme de forces française par le professeur Scherrer (Ranquet, 1953) a affranchi l'appareillage de toutes modifications physiques du phénomène observé. L'analyse du signal par des techniques analogiques restait alors une prouesse de technologie, mais l'arrivée des ordinateurs a facilité cette analyse qui, à partir des années 1980, a même commencé à être utilisée en pratique médicale courante grâce aux micro-ordinateurs.


Les plates-formes de stabilométrie


     L'usage de plates-formes de stabilométrie s'est très vite répandu dans les laboratoires de recherche - sauf aux U.S.A. qui ont utilisé presque exclusivement l'appareil de Nashner pendant de nombreuses années -. Les modèles de plate-forme variaient au gré de leurs constructeurs qui ont utilisé soit des capteurs de forces (jauges de contrainte ou quartz piézo-électriques) soit des capteurs de longueur (plongeurs électromagnétiques) groupés par quatre ou par trois sous la plate-forme, avec une plate-forme par pied ou une plate-forme pour les deux pieds, etc. L'invention et l'innovation étaient reines dans les années 60/70, et cela se conçoit aisément dans le contexte de recherche qui dominait cette époque.
     Les fondamentalistes se sont alors regroupés au sein d'une société internationale de posturographie fondée à Amsterdam en 1969 et dont le premier congrès eut lieu en 1971 à Madrid (Cf. Agressologie 1972, tome 13, numéros B & C). Les quelques cliniciens qui participaient aux travaux de cette société ont essayé de faire comprendre leur problème: un médecin ne peut pas faire un enregistrement stabilométrique de ses patients avant qu'ils soient malades! Alors qu'un fondamentaliste peut enregistrer ses sujets d'expérience avant et après les manipulations qu'il leur impose. Les médecins ont donc besoin de normes statistiques pour situer leurs patients dans une distribution, les fondamentalistes non. Cette demande des médecins a été entendue, une commission de normalisation a été formée, confiée à Kapteyn (Kapteyn et al., 1983), mais au congrès de Houston il est devenu évident qu'il était trop tard pour proposer des normes internationales de construction d'une plate-forme de stabilométrie, il y avait déjà trois entreprises différentes qui commercialisaient des plates-formes de stabilométrie différentes au Japon, il nous a semblé impossible d'imposer arbitrairement l'une d'entre elles comme la norme internationale.


La plate-forme de l'Association Française de Posturologie


     Au retour de ce congrès de Houston, les membres de l'Association Française de Posturologie, conscients de cet échec international ont souhaité qu'au moins en France sinon en Europe, existe une plate-forme de stabilométrie clinique normalisée (AFP, 1984). Ils ont aussitôt entrepris la rédaction d'un cahier des charges pour la construction d'une plate-forme standard. Plusieurs directives ont orienté leurs choix:


- La plate-forme était destinée aux cliniciens, pas spécialement aux fondamentalistes,
- Son coût devait en permettre une large diffusion,
- Ses performances seraient limitées à l'étude clinique de ce qui avait déjà été étudié en laboratoire.


     Les normes publiées (Bizzo et al., 1985) prévoyaient les caractéristiques des trois jauges de contrainte, leur situation au sommet d'un triangle équilatéral, la rigidité des plaques, la hauteur des jauges, l'échantillonnage du signal à 5Hz, etc.
     Le prototype de cette plate-forme a servi à faire une première étude statistique fouillée des valeurs, et de la répétabilité, des paramètres stabilométriques, relevés dans des conditions d'examen strictement normalisées (position du sujet, environnement, consignes). Malheureusement l'ensemble de ces Normes85 constitue un document beaucoup trop volumineux (270 pages) par rapport à ses espoirs de diffusion pour avoir pu être confié à un éditeur ou une revue, il n'est disponible que sous forme d'un document photocopié, auprès de l'Association Posture et Équilibre (Nouveau nom de l'Association Française de Posturologie) et auprès des constructeurs de plate-forme normalisée (AFP, 1985).
     La première série de plates-formes construites en Italie selon les normes AFP a été l'occasion d'une nouvelle analyse statistique des valeurs des paramètres stabilométriques recueillis dans les conditions normalisées de l'AFP (Guidetti, 1989). La cohérence de ces deux études statistiques entre elles et avec les publications internationales a été jugée suffisamment satisfaisante pour que de nouvelles études ne soient pas entreprises, au moins jusqu'à présent.
     [A l'instar de l'Association Française de Posturologie, le constructeur japonais 'Anima' a étudié et publié récemment un travail statistique sur les valeurs des paramètres stabilométriques obtenus dans sa configuration, devenue entre temps une des plus usitée au Japon (Imaoka et al., 1997)]
     Une évolution des normes de construction de la plate-forme AFP est à l'étude (Gagey et al., 1999; Gagey et al., 2000) car l'échantillonnage à 5 Hz, qui n'est plus justifié par des considérations de mémoire des ordinateurs, et bien qu'il reste excellent pour les paramètres stabilométriques classiques (Gagey et al., 1999), ne permet pas de faire certaines analyses, comme l'analyse dynamique non linéaire du signal stabilométrique (Gagey & Sasaki, 2000).


Que mesure la plate-forme de stabilométrie?


     La plate-forme de stabilométrie mesure, à chaque instant d'échantillonnage, la position du point d'application des forces de réaction qui s'opposent au déplacement de la plate-forme sous l'impulsion de la masse corporelle, autrement dit la position du centre de pression, exprimée dans un référentiel à deux dimensions dont le plan coïncide avec celui du polygone de sustentation et dont l'origine est située, par convention, au barycentre du même polygone. Ce centre de pression n'est pratiquement jamais confondu avec la projection du centre de gravité du sujet sur le plan de son polygone de sustentation car le corps de l'homme n'est pratiquement jamais en état d'équilibre, mais le centre de pression se déplace continuellement de part et d'autre de la projection du centre de gravité (Winter et al., 1998; Hugon, 1999) pour la stabiliser, comme dans la tactique du balai. Le centre de pression présente donc des oscillations rapides autour des oscillations plus lentes du centre de masse. Comme le montrent les statistiques d'analyses fréquentielles (Gagey et al., 1985) et les analyses de diffusion (Collins & De Luca, 1993), ces oscillations rapides du centre de pression ne sont pas contrôlées, ce qui est contrôlé ce sont les oscillations lentes qui correspondent aux mouvements du centre de masse (Gurfinkel, 1973, b).
     A partir de ce signal, il est possible d'obtenir la plupart des mesures qui intéressent le thérapeute:


º La position moyenne de la verticale de gravité, X-moyen et Y-moyen, car le moyennage fait disparaître le «bruit» du centre de pression (Paramètres normalisés).
º L'écart-type par rapport à cette position moyenne, dont l'expression la plus rigoureuse est fournie par la surface de l'ellipse de confiance contenant 90% des positions échantillonnées du centre de pression (Takagi et al.,1985) (Paramètre normalisé).
º La dépense d'énergie peut être grossièrement évaluée par le rapport entre la longueur totale des déplacements du centre de pression et la surface à l'intérieur de laquelle il évolue: paramètre de Longueur en Fonction de la Surface, LFS (Norré in Gagey & Weber, 1999) (Paramètre normalisé). Ce paramètre est corrélé au spectre de puissance dans la bande de fréquence 1 Hz (Vallier, 1994).
º La mesure de la raideur musculaire par le paramètre stabilométrique VFY est actuellement l'objet de discussions (Gagey, 1999).
º L'amplitude des oscillations posturales, en X et en Y, en fonction des fréquences s'est révélée répétable pour un même sujet, elle a donc fait l'objet d'une étude statistique dans la bande de fréquence 0,2 Hz chez le sujet normal (Gagey & Toupet, 1998) (Paramètres normalisés).
º L'intégration des afférences visuelles dans le contrôle postural est évaluée par le quotient du Romberg, simple rapport entre les paramètres de surface dans les deux situations visuelles, yeux ouverts et fermés (Njiokiktjien & Van Parys, 1976))(Paramètre normalisé).
º La fonction d'intercorrélation entre les oscillations posturales frontales et sagittales permet de tester leur indépendance, ce qui est la situation normale (Kapteyn, 1973).
º A l'instant t, il ne se passe rien, si on veut étudier la dynamique d'un système, il est nécessaire que les observations de son devenir dynamique s'étalent sur une certaine durée. A partir de la série temporelle des positions successives du centre de pression, le théorème de Takens autorise la construction de l'attracteur du système dans l'espace des phases, ce qui permet de tester le nombre, l'interdépendance et/ou la hiérarchie des facteurs qui interviennent dans la dynamique non linéaire du contrôle postural (Le Van Quyen et al., 1998; Gagey & Sasaki, 2000).


La plate-forme instrument de mesure


     Comme la plate-forme de stabilométrie fournit des évaluations chiffrées de dimensions physiques exprimées dans le système CGS, elle jouit d'un statut potentiel d'instrument de mesure. Cependant actuellement aucune plate-forme de stabilométrie ne peut être réellement considérée comme un instrument de mesure car aucun fabricant de plate-forme ne fournit d'étude de l'incertitude de son instrument de mesure. Quelle est notre certitude sur la véracité des mesures affichées par ces instruments?
     L'incertitude, a, d'un instrument de mesure est exprimée par un rapport sans dimensions:


a = Di/i

où Di représente l'écart par rapport à la valeur vraie d'une mesure déterminée i.


     Faute d'études poussées sur l'incertitude des chaînes d'acquisition utilisées en stabilométrie, la seule donnée dont nous disposions est leur résolution théorique, limitée à 0.16 Newtons environ par l'usage qui est actuellement fait de convertisseurs 12 bits pour la lecture d'une pleine échelle de 650 N environ. En sachant qu'on néglige une série d'incertitudes de l'instrument de mesure (incertitude de finesse, de rapidité, de stabilité, etc.), on peut dire que l'écart par rapport à la valeur vraie d'une mesure déterminée i est, au minimum, de l'ordre de 0.16 N, Di = 0.16.
     L'expression, très approchée, de l'incertitude des mesures de forces à l'aide des chaînes actuelles devient donc:


a = 0,16/dF

Où dF représente la variation de force mesurée par chacune des jauges.


     L'incertitude des plates-formes de stabilométrie est donc très mal connue. Et il faut reconnaître qu'une étude de l'incertitude d'un instrument de mesure est un travail très lourd pour lequel les constructeurs ne sont pas aidés. Même la simple réception de conformité d'une plate-forme de stabilométrie par un laboratoire indépendant accrédité est impossible car aucun laboratoire ne dispose d'une accréditation du Cofrac pour des instruments réalisés avec un montage de capteurs de forces. «Aucun laboratoire n'est accrédité pour la réception de plates-formes de forces. Des laboratoires sont accrédités [seulement] pour étalonner les capteurs de forces qui équipent ces plates-formes» (Cofrac).


     Aussi nous estimons actuellement que la plate-forme de stabilométrie construite selon les normes de l'AFP, qui échantillonne ses mesures cinq fois par seconde et les numérise sur douze bits, avec une précision requise de l'ordre d'un millième de l'étendue de mesure, représente un instrument de mesure suffisamment imprécis pour ne pas exiger autre chose qu'un contrôle régulier du bon fonctionnement des jauges de contraintes; un affichage, par exemple, du poids de la jupe de la plate-forme lors de l'étalonnage qui précède chaque séance de mesures (affichage qui a été supprimé par certains constructeurs, ce qui est une erreur).


     Mais le jour où seront construites et vendues des plates-formes de stabilométrie dont la précision requise sera de l'ordre du dix millième de l'étendue de mesure, il sera nécessaire de contrôler, non seulement à la réception mais encore régulièrement, ces nouvelles plates-formes(Browne & O'Hare, 2000).


Conclusions


     La recherche fondamentale a fait beaucoup pour le développement de la mesure en posturologie. La recherche clinique a montré que ces mesures en posturologie ne sont pas simplement utiles mais qu'elles sont indispensables. On peut souhaiter que la recherche appliquée intervienne maintenant pour que les posturologues puissent disposer d'instruments de mesure de plus en plus performants.


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