Ce Compte-rendu, prodigieusement intéressant, manifeste le désarroi des neurologues en présence d'une affection du système nerveux central qui ne rentre pas dans le cadre prévu par Jean-Martin CHARCOT.
Le Syndrome Subjectif des traumatisés crâniens est-il Subjectif? Objectif? Organique? Fonctionnel? Sinistrosique? Toutes les hypothèses sont évoquées... sur la pointe des pieds et les conclusions finalement remises aux calendes grecques!...
Le seul consensus qui se dégage, et c'est déjà beaucoup, fonde sur l'intersubjectivité des malades la reconnaissance par les neurologues d'une certaine objectivité du syndrome subjectif des traumatisés du crâne.
De ce désarroi la faute ne revient pas à Jean-Martin CHARCOT mais à l'Anatomie qui réduit la structure de l'homme à une topologie en oubliant sa quatrième dimension, chronologique.
La série temporelle des événements enchaînés d'une fonction impose sa structure au réseau de neurones.
REVUE NEUROLOGIQUE Tome XXIX Numéro 4-5; Avril Mai 1916.
La SOCIÉTÉ
DE NEUROLOGIE DE PARIS a tenu, le jeudi 6 avril 1916, une réunion
exceptionnelle consacrée à la Neurologie de guerre,
sous la présidence de M. JUSTIN GODART, sous-secrétaire
d'État du Service de Santé, avec le concours des
représentants des CENTRES NEUROLOGIQUES MILITAIRES de la
zone des Armées et des Régions de l'intérieur,
ainsi que des SERVICES NEUROLOGIQUES MILITAIRES DES PAYS ALLIÉS.
Outre les membres titulaires et correspondants nationaux de la
Société de Neurologie de Paris, de nombreuses notabilités
militaires et scientifiques ont pris part à cette réunion:
MM. le médecin inspecteur
général FÉVRIER, Président de la commission
consultative médicale; le médecin inspecteur SIEUR,
Directeur du service de santé du camp retranché
de Paris; MM. TEISSIER, REGAUD, MONOD, attachés au sous-secrétariat
d'État du Service de Santé; le docteur AMODRU, député,
délégué régional de la Croix-Rouge;
docteur LAFFORGUE; M. BRIAND, médecin principal, chef du
service des psychoses au Val de Grâce; M. DUMAS, professeur
à la Sorbonne; les professeurs GRASSET (de Montpellier);
PITRES (de Bordeaux); CESTAN (de Toulouse); les lieutenants-colonels
W.-A. TURNER, PERCY SARGENT, GORDON HOLMES, neurologistes délégués
par le service de santé des armées anglaises; docteur
HENRY HEAD, de Londres; ARTHUR MORSELLI, du service neurologique
de la 1re armée d'Italie, délégué
par le service de santé des armées italiennes; le
docteur BOVER1, du service neurologique militaire d'Alexandrie;
docteur MAC-DONALD, de la Faculté d'Otago, Nouvelle-Zélande;
colonel médecin SOUBBOVITCH, de l'armée serbe, etc,
etc.
Trois séances ont eu lieu
: la première, le jeudi 6 avril, à 9 heures du matin,
12, rue de Seine, présidée par M. Justin Godart,
sous-secrétaire d'État du Service de Santé;
la seconde, l'après-midi, à 15 heures, à
l'École pratique de la Faculté de Médecine,
salle Cornil, sous la présidence des professeurs Grasset
(de Montpellier) et Pitres (de Bordeaux); la troisième,
le vendredi 7 avril, à 9 heures du matin, même local,
présidée par M. Huet, président de la Société
de Neurologie de Paris.
Quatre questions ont été
discutées. Pour chacune d'elles un rapporteur avait été
chargé de présenter un programme de discussion,
communiqué avant la séance.
1° La conduite à tenir vis-à-vis des suites
des blessures du crâne. - Rapporteur: M. PIERRE MARIE.
2° La valeur des signes cliniques permettant de reconnaître
dans les blessures des nerfs périphériques : A.
La section complète du nerf; B. Le degré de restauration
fonctionnelle. - Rapporteur: M. PITRES.
3° Les caractères de troubles moteurs (paralysies,
contractures, etc.) dits "fonctionnels" et la conduite
à tenir à leur égard. - Rapporteur: M. BABINSKI.
4° Les accidents nerveux consécutifs aux explosions.
- Rapporteur: M. C. VINCENT.
MESSIEURS,
M. le sous-secrétaire d'État
du Service de Santé a bien voulu s'intéresser aux
travaux de notre Société et il a accepté
de venir présider notre réunion d'aujourd'hui, spécialement
affectée à des questions de neurologie de guerre.
Je me fais votre interprète en lui en exprimant notre vive
gratitude, et en le remerciant d'avoir fait convoquer à
cette séance nos collègues et nos confrères
dispersés de tous côtés dans les centres neurologiques
de l'intérieur et dans les services neuro-psychiatriques
des armées.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler
l'accueil favorable qu'ont reçu les conclusions d'une réunion
précédente, tenue en octobre dernier et qu'a présidée
avec son autorité et sa maîtrise coutumières
le professeur Ballet. Nous étions loin de soupçonner
alors la grave maladie dont notre éminent collègue
était menacé. Arrêté bientôt
dans ses travaux, en pleine activité, il cessait de fréquenter
nos séances, et, tout dernièrement, il a été
enlevé à l'affection des siens dont nous partageons
vivement les regrets et la douleur.
Vous savez quelle a été
l'uvre du Service de Santé dans l'organisation de la Neurologie
de guerre. C'est à lui que nous devons la création
des centres neurologiques militaires des régions de l'intérieur,
dont la direction a été confiée à
nos collègues et à nos confrères particulièrement
compétents, à lui aussi que nous devons la création
des centres neuro-psychiatriques d'armée destinés
à recevoir dès l'abord et près du front ceux
de nos vaillants soldats ou de nos glorieux blessés dont
l'état réclame des soins spécialement qualifiés.
Grâce à cette dernière création un
grand nombre de soldats atteints d'accidents névropathiques
tendant à s'invétérer, lorsqu'ils ne sont
pas immédiatement combattus, ont pu être rapidement
guéris et reprendre leur place dans les armées.
Lors d'une réunion récente,
à Doullens, ont été envisagées des
questions concernant les aliénés et les épileptiques,
au sujet desquels des décisions pratiques importantes ont
déjà été prises. Aujourd'hui se trouvent
portées au programme de notre réunion quatre questions,
sur lesquelles il nous a paru que pouvaient apporter de la lumière
les nombreux faits qui ont été soumis à notre
observation et dans lesquelles il serait important qu'une entente
commune s'établisse entre les neurologistes sur les décisions
à prendre tant au point de vue militaire qu'au point de
vue médical. Nous remercions nos collègues MM. Pitres,
Pierre Marie, Babinski et Vincent d'avoir accepté de nous
tracer dans de brefs exposés les points principaux sur
lesquels doivent porter nos discussions.
Le programme arrêté
nous engage à nous cantonner aujourd'hui dans des questions
neurologiques d'ordre plus spécialement médical;
mais nous savons tous la place considérable qui revient
à la chirurgie dans le traitement des blessures du système
nerveux. Aussi avons-nous envisagé comme pouvant être
très fructueuse une réunion où chirurgiens
et neurologistes, unissant leur expérience réciproque,
pourraient discuter en commun l'opportunité, la nature
et les résultats des interventions sur le cerveau, la moelle
et les nerfs. Cette idée, que nous avons soumise à
nos collègues de la Société de Chirurgie,
a été accueillie par eux très favorablement.
Nous pouvons donc espérer que, dans un délai prochain,
elle sera réalisée pour le plus grand profit de
nos blessés nerveux.
Nous voyons, avec plaisir, parmi
nous plusieurs de nos collègues psychiatres. Les champs
d'exploration de la psychiatrie et de la neurologie non seulement
se trouvent souvent contigus, mais souvent encore ils se pénètrent
mutuellement; une collaboration entre nous ne peut donner que
les plus heureux résultats. Nous nous félicitons
encore de voir parmi nous plusieurs représentants des formations
neurologiques militaires des pays alliés. Je tiens à
remercier tout particulièrement nos collègues d'Angleterre
et d'Italie, qui, délégués officiellement
pour participer à notre réunion, ont bien voulu
faire de longs voyages afin de nous apporter le concours de leur
compétence. Leur présence est un témoignage
éclatant de l'union résolue qui existe entre tous
les alliés sur le terrain scientifique et médical,
comme sur tous les autres; cette union sera certainement très
féconde, non seulement aujourd'hui, mais aussi dans l'avenir.
Je dois saluer enfin les hautes personnalités du Service
de Santé de notre pays qui nous font l'honneur d'assister
à cette séance, et prie M. le médecin inspecteur
général Février, président de la commission
consultative médicale, M. le médecin inspecteur
Sieur, du Service de Santé, du camp retranché de
Paris, de vouloir bien prendre place à notre Bureau. Ainsi
s'affirment à nouveau l'entente et la collaboration intimes
qui existent entre les organismes administratifs et médicaux
en vue des mesures à prendre et des traitements les plus
efficaces à appliquer à nos malades et à
nos blessés. Cette entente et cette collaboration ne sont
pas d'hier; elles n'ont pas cessé de se manifester depuis
de longs mois; elles deviendront encore plus étroites dans
l'avenir. Il n'en peut résulter que les plus heureuses
conséquences aux points, de vue médical, humanitaire
et patriotique.
M. JUSTIN GODART, sous-secrétaire d'État du Service de Santé, tient à rendre hommage à l'activité des neurologistes qui ont mis leur science et leur dévouement au service des blessés: au nom de ces derniers, il leur exprime sa reconnaissance. Suivant de près les travaux des neurologistes, il s'efforce de recueillir les idées qui peuvent contribuer à l'amélioration du sort des "blessés nerveux", et il continuera à envisager de la façon la plus favorable la collaboration fructueuse du Service de Santé avec la Société de Neurologie de Paris et les représentants des Centres Neurologiques militaires.
Les blessés
du crâne ont à franchir trois étapes. Chacune
d'elles peut s'accompagner d'accidents plus ou moins graves. Ce
sont:
A. Les accidents immédiats, survenant aussitôt
après la blessure (perte de connaissance, paralysies, troubles
de la parole, troubles visuels, etc.).
B. Les accidents secondaires, qui surviennent quelques
jours après (méningo-encéphalite aiguë,
abcès cérébraux, crises jacksoniennes, etc.).
C. Les suites tardives, qui s'observent après la
guérison chirurgicale.
Les accidents immédiats et
secondaires sont constatés dans les formations sanitaires
de l'avant. Jusqu'ici, ils ont été surtout l'objet
d'études chirurgicales. Grâce à la création
d'un plus grand nombre de centres neurologiques dans la zone des
armées, on peut espérer qu'ils seront désormais
soumis régulièrement à l'examen des neurologistes.
Les suites tardives, au contraire,
sont presque les seuls accidents consécutifs .aux blessures
du crâne sur lesquels les neurologistes des régions
de l'intérieur soient appelés à se prononcer.
Cependant, aucun de nous ne peut
se désintéresser des deux premières étapes
traversées par les blessés du crâne et notamment
des interventions chirurgicales dont nous avons à apprécier
les conséquences. Mais, au risque de donner une entorse
à l'ordre chronologique, je propose que nous n'abordions
ces questions qu'en second lieu.
J'estime qu'il est plus urgent de
faire porter d'abord la discussion sur les suites des blessures
du crâne, qui sont les moins bien connues, les plus difficiles
à interpréter et cependant les plus fréquentes.
Il importe, en effet, d'adopter dès que possible une ligne
de conduite uniforme à leur égard.
Afin de restreindre le champ de
la discussion, je laisserai de côté les accidents
sur lesquels tous les neurologistes sont édifiés,
tels que les hémiplégies, les monoplégies,
les troubles divers du langage, etc. Ce sont, il est vrai, les
complications des blessures du crâne les plus saisissantes,
mais chacun de nous sait les diagnostiquer et peut, dans la mesure
du possible, se prononcer sur leur avenir.
Il en va tout autrement d'un certain
nombre de troubles, moins graves à première vue,
mais dont cependant tous ou presque tous les blessés du
crâne se plaignent, et qui sont invoqués pour justifier,
tantôt un séjour indéfini dans les hôpitaux
de l'arrière, tantôt le renouvellement répété
des congés de convalescence.
Ces troubles sont d'ordre purement
subjectif. Je rappellerai brièvement les principaux.
I - CÈPHALÉES,
Presque tous les blessés
du crâne se plaignent de maux de tête:
Sensations de pesanteur, de serrement, de battements, soit dans
toute la tête, soit au niveau du front ou de l'occiput,
parfois derrière les yeux; cette céphalée
est souvent prédominante au siège de la blessure
crânienne, dont l'attouchement, même léger,
peut être douloureux.
La céphalalgie est tantôt
presque permanente, tantôt - et c'est le cas le plus fréquent
- se montre plus particulièrement à certaines heures,
par exemple au réveil, au coucher (et alors souvent elle
détermine de l'insomnie), ou encore avant ou après
les repas.
Un certain nombre de facteurs peuvent
l'occasionner ou l'exaspérer:
Acte de se baisser: par exemple, pour mettre ses bottines.
Actes s'accompagnant d'un effort : éternuement, toux, etc.
La chaleur, le froid peuvent agir dans le même sens.
La fatigue exerce également une influence péjorative,
- fatigue de la marche, fatigue intellectuelle, lecture, écriture,
conversation prolongée; aussi celles-ci deviennent le plus
souvent impossibles ou très pénibles.
Les secousses, comme le contact du talon sur le pavé, l'acte
(le descendre un escalier, les cahots dans une voiture, dans le
chemin de fer et dans le métro. Ce dernier mode de transport
est particulièrement intolérable à un grand
nombre de blessés du crâne, très affectés
par la chaleur, le bruit, les secousses qui les y attendent.
Le bruit, notamment celui des voitures, celui des coups de marteau.
La lumière vive, telle que celle du soleil ou des lampes
à arc - ou encore la vision d'un objet en mouvement tel
que les roues d'une voiture, ou la contemplation trop prolongée
d'un quadrillage ou d'un damier.
II - ÉBLOUISSEMENTS.
En outre de ces
phénomènes douloureux, il en est un autre dont se
plaignent la plupart des blessés du crâne; ils le
qualifient du nom de "vertige".
Les caractéristiques de ce prétendu vertige sont
les suivantes:
Tout d'un coup le malade éprouve
une sorte d'éblouissement, comme un brouillard plus ou
moins épais qui s'étend devant ses yeux et lui cache
en partie la vue des objets qui l'entourent. Parfois il s'agit
d'un obscurcissement pur et simple de la vision, parfois ce brouillard
est animé d'étincelles, de lueurs, de lumières
qui tournent, de petits cercles brillants très nombreux,
de papillons blancs et brillants, etc...
Pendant cet éblouissement,
qui, en général, ne dure guère plus d'une
à trois ou quatre minutes, le malade éprouve une
sensation pénible; il n'est plus sûr de son équilibre
et craint de tomber (bien qu'en réalité il ne tombe
jamais). S'il est dans la rue, il s'appuie contre un mur ou contre
un arbre; s'il est dans une maison, il s'assied ou se couche,
jusqu'à la disparition du phénomène. Celui-ci
une fois terminé, le blessé reprend sa promenade;
dans quelques cas cependant il se sent fatigué et comme
abattu.
En général, c'est
ainsi que se passent les choses; il est rare que des bourdonnements
d'oreille accompagnent l'éblouissement.
Il convient de séparer nettement
ces faits des troubles vertigineux vrais, dans lesquels existe
d'habitude une sensation giratoire qui fait défaut ici,
car ni le malade, ni les objets qui l'environnent n'éprouvent
vis-à-vis les uns des autres aucun déplacement.
Il ne faudrait pas non plus confondre
l'éblouissement banal chez les blessés du crâne
avec le scotome scintillant qui peut aussi s'observer, mais très
rarement, et quelquefois même s'accompagner d'épilepsie.
Cet éblouissement banal doit
être également distingué d'avec les troubles
labyrinthiques qui, eux, sont plus manifestement vertigineux,
et s'accompagnent de modifications dans la réaction au
courant galvanique (vertige voltaïque), tandis que les blessés
du crâne vulgaires n'en montrent aucune ou tout au plus
de très légères n'ayant trait qu'au nombre
des éléments ou des milliampères mis en uvre
pour obtenir la réaction.
Il ne faudrait pas croire que cet
éblouissement constitue un trouble permanent ou même
fréquent. Chez le plus grand nombre des malades on n'en
constate pas tous les jours, le plus souvent il y en a trois ou
quatre par semaine, parfois pas même un par semaine, parfois
trois ou quatre dans la même journée. Leur nombre
et leur intensité semblent diminuer avec le temps.
Existe-t-il un rapport entre le siège de la blessure crânienne
et l'intensité ou les modalités des éblouissements?
- Nous n'avons pu en mettre aucun en évidence.
Existe-t'il un rapport entre les dimensions, la profondeur de
la blessure crânienne et l'intensité des éblouissements?
- Quelque surprenant que cela puisse paraître, il faut répondre
à cette question par la négative.
En effet, quand on observe un grand
nombre de cas de blessures du crâne, on constate que des
sujets chez lesquels le cuir chevelu seul a été
entamé se plaignent exactement des mêmes éblouissements,
de la même céphalalgie que ceux qui présentent
une large brèche crânienne avec battements et impulsion
à la toux. On peut remarquer cependant que ces éblouissements
se retrouvent moins souvent chez les officiers que chez les soldats,
et moins souvent aussi chez les blessés du crâne
présentant une grosse infirmité, telle qu'hémiplégie,
paraplégie, etc.
Chez tous ces sujets, les descriptions
des troubles qu'ils éprouvent sont absolument identiques
et faites avec les mêmes expressions. Bien évidemment,
il ne peut s'agir là d'une leçon apprise.
III. - AUTRES TROUBLES SUBJECTIFS.
En outre de la
céphalalgie et des éblouissements, les blessés
du crâne présentent assez souvent d'autres troubles
nerveux moins dramatiques que les précédents, mais
qui ne sont pas sans importance :
Changements d'humeur : tristesse,
torpeur, parfois irritabilité. - Emotivité extrême;
un de nos officiers nous disait avoir pleuré à chaudes
larmes en assistant à une représentation d'Esther,
- un autre en entendant une musique militaire. - État d'angoisse.
Tendance au vertige des hauteurs chez des individus qui avant
leur blessure en étaient exempts.
1nsomnie, cauchemars.
Incapacité de travail,
intellectuel ou même manuel.
Troubles de la mémoire,
surtout de la mémoire de fixation, et pour les actes récents.
Troubles vasomoteurs: bouffées
de chaleur. Transpirations brusques, parfois épistaxis.
Un certain nombre de questions très
importantes se posent au sujet des troubles subjectifs dont se
plaignent le plus grand nombre des blessés du crâne,
1° Quelle est la nature de ces troubles subjectifs?
2° Quel est leur degré de gravité?
3° Quelle conduite faut-il tenir vis à vis de ces blessés,
une fois la cicatrisation de leur plaie achevée? Doit-on
les réformer? - Prolonger indéfiniment leurs congés
de convalescence? - Les faire passer dans le service sédentaire?
- Les renvoyer à leur dépôt? et que devront
faire les médecins du dépôt si le militaire
continue à se plaindre des mêmes troubles?
Tels sont les points sur lesquels
il me paraît opportun de faire porter d'abord la discussion.
Nous devrons
examiner ensuite les blessures du crâne au point de vue
objectif.
Je rappellerai d'abord quelques
constatations:
La plaie elle-même peut présenter
les variétés suivantes:
- Blessure superficielle n'intéressant que les parties
molles;
- Simple sillon osseux sur la table externe;
- Brèche osseuse simple avec ou sans battements spontanés;
- - - - - - - - avec ou sans impulsion à la toux;
- Brèche osseuse avec ouverture de la dure-mère;
- - - - - - - avec hernie et perte de substance du cerveau;
- - - - - - - avec présence d'un projectile dans l'encéphale.
Ces blessures ont donné lieu à des interventions
thérapeutiques consistant, suivant les cas, en :
- Pansement simple;
- Nettoyage de la plaie après incision cruciale;
- - - - - - - -- à lambeau;
- Esquillectomie;
- Trépanation proprement dite.
La cicatrice peut être:
- Nette et résistante;
- Anfractueuse, surtout après les incisions cruciales;
- Fistuleuse ou tout au moins légèrement suintante;
- Mince avec tendance à la hernie du cerveau.
Sans empiéter sur le domaine
strictement chirurgical et opératoire, les neurologistes
seraient peut-être autorisés, par une expérience
déjà bien fondée, à émettre
une opinion sur quelques-unes des questions suivantes:
4° Que faut-il penser des idées courantes sur la
fréquence des esquilles de la table interne, même
quand la table externe n'a été qu'incomplètement
lésée?
5° Quelle est la gravité de la présence des
corps étrangers aseptiques dans l'encéphale: esquilles
de la table interne, projectiles?
6° Quels rapports peut-on établir entre l'épilepsie
jacksonienne ou globale et le genre ou le siège des traumatismes
crâniens? Dans quel délai survient-elle après
la blessure? - Quelle est l'influence de. l'intervention chirurgicale?
- Quel est le pronostic? - Quelles mesures doit-on prendre au
point de vue militaire?
7° Faut-il systématiquement trépaner toutes
les blessures du crâne?
8° A quel moment faut-il trépaner?
9° Dans quelles formations sanitaires faut-il trépaner?
10° N'y aurait-il pas lieu de proscrire les incisions cruciales
toutes les fois qu'il existe une brèche osseuse, et de
recommander le procédé à large lambeau?
11° Quel délai devra-t-on apporter à l'évacuation
vers l'arrière des blessés du crâne?
a) Quand ils n'ont pas été
opérés;
b) Quand ils ont été
soumis à une opération.
12° Ne pourrait-on réagir contre l'abus, dans les
feuilles d'hôpital et les certificats, du terme "trépanation",
employé pour la moindre esquillectomie ou même pour
un simple nettoyage de la plaie?
13° Chez les blessés du crâne, avec large
brèche osseuse, quel mode de protection convient-il d'adopter
après cicatrisation : calotte rigide placée
sur le cuir chevelu, ou bien insertion dans la brèche crânienne
d'une plaque métallique, ou bien ostéoplastie osseuse
ou cartilagineuse?
14° Un blessé peut-il refuser une opération
d'autoplastie crânienne?
15° Quant à la valeur de protection du casque,
il ne semble pas que les neurologistes puissent émettre
à ce sujet une opinion péremptoire; un certain nombre
d'éléments leur manquent pour établir une
statistique. Il est difficile de dire si la fréquence plus
grande des plaies crâniennes, constatée dans les
six derniers mois, tient à ce que, grâce au port
du casque, un plus grand nombre de blessés survivent, ou
si cette fréquence tient surtout aux méthodes de
guerre.
M. Maurice
VILLARET, médecin-chef adjoint du Centre neurologique de
la 16me région (Montpellier). - Avec le concours de MM.
Rives, Maystre, Mignard et Faure-Beaulieu, assistants du Centre
neurologique de la 16me Région, j'ai eu l'occasion, depuis
que je collabore avec le professeur Grasset à la direction
de ce Centre, d'examiner en détail cent hommes atteints
de lésions cranio-cérébrales par traumatismes
de guerre, et de compulser 156 observations qui ont été
prises sur le même sujet par les assistants du Centre neurologique.
Cette statistique importante de 256 cas nous a permis de faire
les observations suivantes:
En dehors des faits où ces
traumatismes laissent après eux des infirmités graves
et incurables, justifiant la réforme n° 1 d'emblée,
en mettant le blessé hors d'état de servir et de
subvenir à ses besoins, il convient d'insister sur les
nombreuses observations dans lesquelles les troubles classiques,
hémiplégiques ou autres, disparaissent plus ou moins
rapidement, donnant à leurs porteurs, au bout de quelques
mois, l'apparence d'hommes normaux et susceptibles de reprendre
du service armé.
Non seulement, chez ces sujets,
qui sont les plus nombreux, les paralysies, les contractures,
les troubles du langage s'effacent à la longue, mais les
manifestations les plus délicates de lésion ou d'excitation
du faisceau pyramidal, telles que les modifications des réflexes
tendineux et cutanés, et en particulier le signe de Babinski,
disparaissent. Certains symptômes persistent plus longtemps,
notamment le signe de la flexion combinée, qui subsiste,
en général, à l'extension de l'orteil, mais
ils finissent aussi par faire défaut.
Et cependant, si on examine soigneusement
de tels sujets, il est rare qu'on ne s'aperçoive chez eux
de la persistance de certaines séquelles fort délicates,
sur lesquelles il convient d'attirer l'attention parce qu'elles
passent souvent inaperçues des experts.
I. LES SÉQUELLES VISUELLES sont, parmi ces reliquats, ceux
qu'il faut citer tout d'abord. Elles sont pour ainsi dire toujours
consécutives aux lésions occipitales.
Nous les avons observées
quarante et une fois. Quatre fois il s'est agi de cécité
transitoire; trois fois de diplopie; seize fois de rétrécissements
plus ou moins serrés d'un ou deux champs visuels; trois
fois d'hémianopsie homonyme bilatérale définitive
complète; une fois d'hémianopsie incomplète;
une fois d'hémianopsie bilatérale homonyme en quadrant
inférieur; une fois l'hémianopsie homonyme en quadrant
supérieur; deux fois d'encoche hémiopique moins
accusée encore que le quadrant, et enfin une fois d'hémianopsie
transitoire. D'autre part, neuf fois il y avait de l'inégalité
pupillaire ou d'autres troubles oculaires.
J'ai eu l'occasion de publier une partie de ces observations avec
M. Rives, et nous aurons l'occasion, avec M. Faure-Beaulieu, d'insister
par ailleurs sur la fréquence des rétrécissements
du champ visuel. M. Pierre Marie a attiré, de son côté,
l'attention sur la fréquence de ces séquelles visuelles.
II. L'ASTÉRÉOGNOSIE UNILATÉRALE constitue
un autre reliquat important à connaître. Elle peut
survenir à la suite des traumatismes frontaux et occipitaux.
Mais c'est surtout au cours des lésions pariétales
que nous l'avons constatée.
Sur les nombreux cas de traumatismes pariétaux observés
avec mon collaborateur M. Maystre, elle était évidente
vingt-sept fois, soit qu'elle ait coïncidé avec le
simple élargissement des cercles de Weber, soit qu'elle
ait été associée à l'abolition du
sens des attitudes (syndrome de Déjerine), soit qu'elle
se soit accompagnée seulement d'anesthésie osseuse,
soit enfin qu'elle se soit associée, à des degrés
divers, aux différents troubles de la sensibilité
superficielle ou profonde, du côté opposé
à la lésion pariétale.
Il semble que l'astéréognosie
soit la séquelle la plus persistante des modifications
plus ou moins accusées de la sensibilité immédiatement
consécutives aux traumatismes crâniens, et qui ne
tardent pas à s'atténuer peu à peu. On peut
voir même l'astéréognosie diminuer encore
plus, avant de disparaître, et se limiter à une partie
des doigts ou de la main; nous possédons, avec M.Faure-Beaulieu,
plusieurs observations de ce syndrome fort curieux sur lequel
M. Pierre Marie a attiré récemment l'attention.
III. LES ÉQUIVALENTS ÉPILEPTIQUES constituent des
reliquats encore plus difficiles parfois à mettre en évidence.
En dehors de l'épilepsie
jacksonienne typique, que nous notons cinquante trois fois dans
nos observations, il est fréquent de constater, chez les
traumatisés du crâne, comme unique symptôme
lésionnel, des équivalents sensitifs, consistant
en fourmillements au niveau des extrémités; nos
blessés nous les ont signalés spontanément
vingt-cinq fois.
De même ordre, sont certains
troubles auditifs (surdité passagère, bourdonnements
d'oreilles) et visuels (scotome scintillant, cécité
transitoire).
Il convient de citer aussi les équivalents psychiques qu'avec
MM. Faure-Beaulieu et Mignard, nous avons notés quatre
fois.
Plus fréquentes encore sont
les crises vertigineuses, survenant brusquement sans cause, souvent
dans n'importe quelle position, durant quelques minutes, ne s'accompagnant
pas de perte de connaissance, mais obligeant parfois le malade
à s'asseoir et même à se coucher; nous les
avons constatées trente sept fois.
Enfin, tous les intermédiaires peuvent exister entre les
équivalents vertigineux et les vertiges provoqués
par les changements de position, en particulier par la flexion
du tronc en avant. Ceux-ci sont tellement fréquents (146
cas dans notre statistique) qu'on peut les considérer comme
presque constants, même en dehors de toute autre manifestation
lésionnelle: ils semblent accompagnés assez souvent
de modifications des différents vertiges provoqués.
La valeur clinique de ces équivalents
épileptiques est très grande. Ils se retrouvent
aussi bien à la suite des traumatismes occipitaux que pariétaux
et frontaux. Ils passent souvent inaperçus. On devra les
rechercher systématiquement et à diverses reprises
avant de conclure à l'absence de séquelles traumatiques.
Bien souvent, en effet, ils sont suivis, à plus ou moins
longue échéance, d'accidents plus graves, et notamment
de crises épileptiques typiques.
IV. LES SÉQUELLES MENTALES conviennent d'être signalées
tout particulièrement parce qu'elles sont souvent délicates
à rechercher et qu'elles passent à l'ordinaire inaperçues,
bien qu'elles soient des plus fréquentes (127 cas dans
notre statistique).
En dehors des symptômes mentaux
caractérisés, que nous n'avons pas l'intention de
décrire ici, et indépendamment du syndrome commotionnel,
nous avons, avec M. Mignard, trouvé fréquemment,
chez les traumatisés cranio-cérébraux, de
petits troubles passagers, intermittents ou cycliques, parmi lesquels
il est possible de distraire diverses formes cliniques (forme
d'inertie mentale, forme neurasthénique, forme pseudo-paralysie
générale, forme euphorique, forme puérile,
forme amnésique nécessitant l'emploi du calepin,
troubles du calcul, forme d'irritabilité du caractère,
etc.).
Aussi convient-il, à notre avis, de ne pas prendre de décision
sur un blessé du crâne sans l'avoir fait examiner
soigneusement et à plusieurs reprises par un psychiatre.
Ces troubles mentaux ne sont pas
l'apanage, comme on pourrait le croire, des traumatismes de la
région frontale. Nous les avons, en effet, constatés
beaucoup plus souvent à la suite des blessures de la zone
pariétale (plus de la moitié des cas) que des lésions
occipitales et frontales.
V. Ces considérations comportent des CONCLUSIONS D'ORDRE
PRATIQUE.
1° En premier lieu, il ne faut
pas se hâter pour prendre une décision définitive
au sujet des traumatisés crâniens, même indemnes
de toute manifestation lésionnelle, et surtout ne pas les
renvoyer dans la zone des armées, tout au moins avant une
observation fort longue.
Avec M. Faure-Beaulieu, nous avons
eu l'occasion d'étudier une vingtaine de cas d'accidents
extrêmement tardifs survenus chez des trépanés
dont le tableau clinique paraissait complètement normal.
Il nous est arrivé en particulier de voir des traumatisés
crâniens qui étaient retournés à diverses
reprises sur le front parce qu'on n'avait constaté chez
eux aucun symptôme nerveux et que leur euphorie les incitait
à proclamer une absence de troubles fonctionnels qui existaient
cependant. Or, c'est au bout de six à douze mois seulement
que survint chez de tels sujets la crise épileptique, signature
d'une lésion jusque-là latente en apparence.
En conséquence, il est à
souhaiter que, chez les trépanés, même en
l'absence de troubles graves, soient prononcées: ou bien
la réforme temporaire s'il existe quelque séquelle
nette du traumatisme crânien initial, ou bien le passage
dans les services auxiliaires si ces séquelles sont très
minimes, ou bien l'inaptitude à faire campagne, avec surveillance
médicale prolongée, si ces derniers symptômes
eux-mêmes font défaut.
2° Une seconde conclusion découle
de nos observations; c'est qu'il ne faut pas laisser un traumatisé
du crâne sans examen radiographique et chirurgical.
Bien souvent, en effet, même en l'absence de perte de substance
osseuse apparente, les rayons X nous ont révélé
l'existence de fêlures, d'esquilles ou de corps étrangers
dont la persistance peut devenir la cause d'accidents tardifs.
La radiographie, d'autre part, permet de vérifier les assertions
des blessés, qui, en l'absence trop fréquente de
documents, affirment souvent une trépanation qui n'a pas
eu lieu.
3° Une troisième conclusion
s'impose, c'est que la recherche des séquelles visuelles,
des troubles du sens stéréognostique, des équivalents
épileptiques vertigineux et mentaux, même minimes
et incomplets, isolés ou associés à d'autres
manifestations, doit être pratiquée systématiquement,
chaque fois qu'il y a lieu d'établir définitivement
le diagnostic rétrospectif et le pronostic à distance
de traumatismes cranio-cérébraux datant de plusieurs
mois.
Leur découverte est, en effet,
susceptible de modifier singulièrement l'appréciation
de l'expert, dont un examen superficiel pourrait, sans elle, faire
conclure à tort à l'absence de reliquats nerveux
pathologiques.
M. HENRI CLAUDE, chef du Centre
neurologique de la 8° Région (Bourges). - Les différents
troubles subjectifs indiqués dans le rapport de M. P. Marie
se retrouvent avec une remarquable constance chez les blessés
du crâne. Sur plus de quatre cents cas que j'ai eu l'occasion
d'étudier au Centre neurologique de la 8° Région,
où ont déjà passé quatre mille trois
cents malades ou blessés nerveux, j'ai noté la céphalée
plus ou moins accusée, plus ou moins permanente, accompagnée
on non de douleurs localisées ou irradiées au crâne,
à la face. Les éblouissements, l'instabilité
et l'insécurité dans la marche et de la station
debout sont très fréquents et s'exagèrent
ainsi que la céphalée lorsque le sujet se baisse,
incline la tête en avant ou doit faire un effort. Les autres
symptômes subjectifs sont plus variables: hyperacousie,
bourdonnements d'oreille, diminution de la mémoire, surtout
pour les faits récents, troubles de l'attention, diminution
de la capacité de travail et de la valeur intellectuelle,
crises de céphalée avec vomissements à caractère
migraineux, etc. J'insiste sur les réactions pénibles
que provoquent chez ces blessés les explosions: j'ai vu
plusieurs blessés du crâne qui ont été
évacués du front parce qu'ils ne pouvaient supporter
les détonations en raison de l'ébranlement nerveux
et de l'exacerbation de la céphalée. J'ai pu constater
moi-même combien ces traumatisés souffraient du bruit
et des explosions, car mon hôpital étant à
proximité du polygone, les coups de canon sont perçus
souvent avec une grande violence.
Le degré de gravité de ces troubles n'est nullement
en rapport avec l'étendue des lésions crâniennes.
J'ai même remarqué que les trépanés
ayant une assez large perte de substance osseuse sont souvent
moins incommodés que certains sujets qui ont à peine
un léger enfoncement des os ou même une simple fêlure.
Les lésions de la région temporale paraissent plus
mal supportées. Les longues brèches linéaires
de la table externe avec enfoncement médiocre et sans pertes
de substance donnent souvent naissance à des troubles accusés.
L'origine de ces troubles subjectifs
doit être cherchée dans une modification organique,
laquelle est variable suivant les cas. Il existe, en effet, chez
certains blessés des lésions circonscrites des méninges
ou de la substance cérébrale qui ne donnent naissance
à aucun signe, mais qui n'en sont pas moins une cause de
symptômes généraux. En l'absence de signes
de localisation, ces lésions sont difficiles à apprécier,
mais l'étude du liquide céphalo-rachidien montre
néanmoins qu'il existe des modifications appréciables.
J'ai constaté en effet souvent, à côté
de l'augmentation de l'albumine de ce liquide, l'élévation
de la pression mesurée au manomètre et plusieurs
fois l'exacerbation des symptômes (céphalées,
éblouissements, vomissements) a coïncidé avec
des états d'hypertension qui étaient décelés
aussi par des modifications de la circulation veineuse papillaire.
L'augmentation de pression ne dépasse pas en général
50 centimètres cubes d'eau. Il n'y a d'ailleurs pas un
parallélisme constant entre l'élévation de
la pression et l'intensité des symptômes subjectifs.
L'augmentation de pression ne va pas de pair avec l'augmentation
de l'albumine, laquelle n'atteint jamais une proportion élevée.
L'existence des troubles fonctionnels
et généraux étant reconnue chez les blessés
du crâne, et expliquée par des constatations biologiques,
quelle décision doit-on prendre à l'égard
de ces hommes? Tout d'abord disons qu'il ne saurait s'agir d'une
réglementation univoque; il s'agit dans chaque cas d'apprécier
la valeur du sujet; c'est une question d'espèces, il serait
antimédical de réglementer la situation de ces blessés.
En général, dans ma pratique, abstraction faite
des individus qui présentent des signes de lésion
organique ou des crises comitiales, je propose pour la réforme
n° 1 les trépanés dont la perte de substance
osseuse a des dimensions voisines de 4 centimètres et laisse
voir les battements encéphaliques. En effet, malgré
les plaques protectrices, ces hommes sont incapables d'un effort
physique et fréquemment des préoccupations psychonévropathiques
aggravent leur état si on veut les utiliser. Les autres
blessés présentant des pertes de substance de moindre
étendue seront réformés temporairement avec
gratification ou placés dans le service auxiliaire suivant
l'importance des troubles fonctionnels ou l'existence des lésions
organiques surajoutées. Il en est de même pour certains
blessés qui ont de simples enfoncements ou qui ont eu des
pertes de substance actuellement comblées. Pour ces derniers,
l'utilisation dans le service auxiliaire et même dans certains
emplois du service armé est souvent possible et il est
rare que les dépôts me renvoient ces blessés
en raison de l'insuffisance de leur capacité de travail.
Il me paraît difficile de porter un jugement d'ensemble
sur la valeur intellectuelle et morale de ces blessés du
crâne, surtout en ce qui concerne les officiers ou les sous-officiers
qui désirent rester dans l'armée. D'une manière
générale, il conviendrait de les employer dans les
services de l'intérieur et de ne pas les envoyer sur le
front; il faudra surtout éviter de leur confier, aux armées,
des emplois de commandants d'unités qui exigent des qualités
d'initiative et de sang-froid.
M. J.-A. SICARD, chef du Centre
neurologique de la 15° Région (Marseille) - Nous nous
sommes surtout attachés avec mon adjoint, le docteur Cantaloube,
à examiner le liquide céphalo-rachidien des sujets
à brèche crânienne, trépanés
ou non. Nous avons eu surtout en vue l'étude de l'albuminose
rachidienne chez ces sujets.
Dans un peu plus du tiers des cas,
sur une centaine de blessés crâniens examinés,
nous avons constaté une élévation du taux
de l'albumine, variant entre 30 et 60 centigrammes environ.
Ce dosage a été fait
à l'aide d'un procédé nouveau par tube gradué
avec précipitation de l'albumine sous l'influence de l'acide
trichloracétique au tiers. Cette technique permet d'éliminer
toute erreur due à l'équation personnelle. Comme
elle est pratiquée comparativement, elle donne des renseignements
plus uniformément justes que la méthode, à
première vue plus précise, de la pesée, sujette
à de nombreuses erreurs quand elle n'est pas maniée
par des chimistes tout à fait compétents.
Nous ne nous sommes pas contentés,
pour établir la situation médicale de ces blessés
crâniens, de l'examen du liquide céphalo-rachidien;
mais constamment, nous les soumettons à l'examen des spécialistes
ophtalmologistes et auristes.
Comme la plupart de nos collègues
des Centres Neurologiques, nous avons noté qu'il existait
fréquemment des troubles d'hémianopsie dans les
lésions de la région occipitale et beaucoup plus
rarement des réactions anormales du fond de l'il. Il est
de règle également que nous fassions pratiquer l'examen
auditif. Moins fréquemment que la sphère visuelle,
la sphère auditive est atteinte chez les blessés
du crâne.
Ces sujets à brèche
crânienne, quelle que soit la localisation topographique
de la blessure, nous paraissent, même en dehors de toute
réaction motrice ou sensitive des membres, dans la très
grande majorité des cas, dans l'impossibilité de
reprendre du service actif. Ils doivent être soit affectés
au service auxiliaire, soit proposés pour la réforme
temporaire.
Nous considérons cette dernière proposition à
la réforme temporaire, comme une règle chez les
crâniens présentant un reliquat permanent d'hyperalbuminose
rachidienne.
M. JUMENTIÉ (Centre neurologique
de la 16° Région, Montpellier.) - Je me contente d'apporter
à l'appui de la proposition de mon maître M. le professeur,
Grasset, de réserver le pronostic chez les blessés
cranio-cérébraux ayant présenté à
un moment donné des signes organiques et de s'opposer à
leur retour sur le front, le résumé de l'observation
anatomique d'un blessé atteint à la région
pariétale. Aussitôt blessé il présenta
de l'hémiplégie et de l'aphasie, et fut réformé
six mois après. Il rentra à nouveau à l'hôpital
pour céphalée, vertiges; pendant deux mois nous
le suivîmes, ne trouvant en dehors de son orifice de trépanation
et de ses troubles vertigineux autre chose qu'un très léger
bredouillement et des réflexes tendineux un peu plus vifs.
La ponction lombaire ne révélait rien d'anormal.
Brusquement, en quatre jours, plus
de dix mois après sa blessure, cet homme mourut avec des
signes de méningite. L'autopsie montra chez lui une méningite
purulente de la base avec inondation ventriculaire; une coupe
horizontale pratiquée dans la partie supérieure
de l'hémisphère gauche montrait en plein centre
ovale, à 3 centimètres au-dessous de l'écorce
dans la région rolandique supérieure, la présence
de deux esquilles dont une de 2 centimètres au centre d'un
foyer de ramollissement qui s'étendait jusqu'au ventricule
latéral. Il ne s'agissait pas là d'un abcès
cérébral, mais d'une plaie infectée probablement
par les esquilles qui s'y trouvaient enkystées. Je fais
circuler des dessins qui parleront plus que toute description.
Je pensais parler plus longuement de ce cas à propos de
la gravité du pronostic des esquilles de la table interne;
mais ne sachant pas si je pourrai assister à cette discussion,
je signale tout de suite cette observation.
M. P. SOLLIER, chef du Centre neurologique
de la 14° Région, Lyon). - Si la réalité
des troubles subjectifs qui accompagnent les blessures du crâne
n'est pas contestable pendant les périodes où ils
s'accompagnent de troubles objectifs plus ou moins intenses, elle
peut être suspectée lorsqu'ils existent seuls à
une période éloignée du traumatisme. On peut
se demander alors si le malade ne continue pas à accuser
des troubles qu'il a eus et qui ont disparu.
Je me suis donc attaché à
rechercher, chez les malades ne présentant plus ou n'ayant
jamais présenté que des troubles subjectifs, si
l'on ne pouvait pas déceler encore quelque trouble objectif,
dont le malade n'eut pas connaissance, ce trouble ne lui causant
aucune gène.
Or j'ai été frappé,
chez un grand nombre de malades de ce genre, par l'existence de
la mydriase, soit unilatérale, soit bilatérale.
Depuis que je l'ai systématiquement recherchée,
je l'ai rencontrée 52 fois sur 79 cas, soit environ dans
les 2/3 des cas.
Si l'on considère ses rapports
avec les régions atteintes, on constate que c'est dans
les lésions du frontal qu'elle se montre le plus souvent,
14 fois sur 16; puis dans celles du temporal, 11 fois sur 15;
viennent ensuite celles du pariétal avec 24 cas sur 40;
et assez loin en arrière celles de l'occipital avec 3 cas
sur 8.
Elle était double dans plus de la moitié des cas,
3/7me, exactement, avec une prédominance du côté
opposé à la lésion dans 1/9me des cas seulement.
Au contraire, lorsqu'elle était unilatérale, elle
était croisée par rapport à la lésion
dans les 3/5me des cas.
Dans un cas, j'ai observé
et une variabilité de l'ouverture de la pupille, qui changeait
de côté d'un moment à l'autre, par l'occlusion,
et l'ouverture des yeux.
A quoi est due cette mydriase? J'ai cherché du côté
des variations de la circulation, mais aucun trouble de cet ordre
ne vient à l'appui de cette hypothèse. Je crois
qu'il s'agit plutôt d'une irritation, ou peut-être
plus simplement d'une irritabilité méningée
et d'une excitation du sympathique.
Ce phénomène démontrerait
donc la réalité des troubles subjectifs seuls constatés
dans un grand nombre de cas, et ferait comprendre comment les
malades qui les présentent sont incapables de travail soutenu,
d'attention, etc.
Il est difficile de dire, dès maintenant, quel est le pronostic
de ces troubles. Ce qui semble certain, c'est leur grande ténacité.
Et, comme le fait remarquer M. Marie, ils ne paraissent nullement
en rapport avec la profondeur ou le siège des lésions,
mais ils m'ont paru se montrer plus fréquemment dans celles
du frontal.
Au point de vue pratique, je demande pour le blessé qui
les présente - si sa perte de substance osseuse n'est pas
trop considérable - le passage dans un service auxiliaire
sédentaire, et s'il ne peut même s'y adapter, la
réforme temporaire ou un congé de longue durée.
M. J. BABINSKI. - Il résulte
de mes observations que les blessures du crâne, notamment
en cas de fracture, donnent souvent lieu à des vertiges
présentant les caractères subjectifs et objectifs
du vertige labyrinthique. Il n'est pas nécessaire d'ailleurs
pour cela que le rocher ait été intéressé,
et les vertiges peuvent être la conséquence de fractures
siégeant dans les diverses régions du crâne.
J'ai eu l'occasion de constater
dans cet ordre de faits les modifications variées du vertige
voltaïque que j'ai décrites antérieurement
(Voir: Exposé des travaux scientifiques. Masson et Cie,
éditeurs, p. 167 et suiv.): augmentation de la résistance
à l'excitation provoquée par le courant voltaïque;
mouvement de la tête en arrière et en avant remplaçant
l'inclination et la rotation; nystagmus céphalique; inclination
unilatérale, rotation unilatérale; tantôt
inclination et rotation s'effectuant d'un seul et d'un même
côté, tantôt inclination unilatérale
d'un côté avec rotation unilatérale du côté
opposé parfois mouvement de circumduction de la tête.
Ce sont là des signes qui
méritent d'être connus et recherchés parce
que leur présence permet d'écarter l'hypothèse
de suggestion ou de simulation et d'affirmer que les sensations
vertigineuses sont dues à une perturbation labyrinthique.
Cela est d'autant plus intéressant qu'une pareille constatation
comporte une sanction thérapeutique. J'ai montré
en effet autrefois - et mes observations ont été
confirmées de tous côtés en France et à
l'étranger - que la ponction lombaire exerce fréquemment
une action favorable sur le vertige labyrinthique; ordinairement
elle l'atténue et parfois même elle le fait disparaître.
Dans les fractures du crâne, il est vrai, l'efficacité
de la rachicentèse est ordinairement moindre que lorsque
les vertiges ont une autre origine et qu'ils sont, par exemple,
consécutifs à de simples commotions; cependant,
même en pareil cas, la ponction est suivie parfois d'une
diminution notable des sensations vertigineuses.
Sauf exceptions, j'estime que les
sujets atteints de blessures du crâne sont inaptes à
faire campagne. Un grand nombre d'entre eux doivent être
réformés au moins d'une manière temporaire.
Quelques-uns cependant sont susceptibles d'être utilisés
dans le service auxiliaire.
M. J. FROMENT. - J'ai eu l'occasion
d'étudier dans le service de mon maître M. Babinski
un assez grand nombre de blessés du crâne atteints
de fracture de la région pariétale gauche. J'ai
constaté, alors même que les troubles du langage
déjà avaient à peu près complètement
rétrocédé, la présence de troubles
résiduels des fonctions intellectuelles mis en évidence
par le calcul, le dessin, la description d'images soumises à
l'examen des malades, et ce qui est plus grave, par la diminution
même des facultés professionnelles. Ces faits, que
nous avons étudiés ailleurs avec quelque détail
(Le pronostic de l'aphasie traumatique consécutive aux
plaies par armes à feu du crâne, Lyon chirurgical,
mai 1916), sont intéressants au point de vue doctrinal
puisqu'ils établissent que les troubles intellectuels font
bien réellement partie, comme l'a soutenu M. P. Marie,
du cortège symptomatique de l'aphasie. Mais ils ont aussi
une portée pratique: ils montrent qu'un examen attentif
des fonctions intellectuelles s'impose en cas de fracture du crâne
et tout particulièrement lorsque la région pariétale
gauche a été atteinte. Cet examen, si nous en jugeons
d'après les sujets que nous avons pu étudier, mettra
souvent en évidence l'inaptitude des blessés de
cette catégorie au retour sur le front, au service actif
et même parfois à tout service militaire.
M. CESTAN, médecin chef du
Centre de neurologie de la 17° Région (Toulouse) -
Dès janvier 1915, étudiant parallèlement
les commotionnés cérébraux simples et les
trépanés, nous avions reconnu qu'on pouvait diviser
en deux groupes les signes présentés par les crâniens
ayant subi une trépanation et décrire ainsi, d'une
part, le syndrome commun à tout trépané,
d'autre part, le syndrome de localisation relevant de la lésion
de telle ou telle partie de l'encéphale,
Nous ne voulons dans cette séance
que vous apporter les résultats des recherches faites avec
nos collaborateurs MM. Descomps, Euzière et Sauvage sur
le syndrome commun, recherches qui remontent déjà
à un an.
Ce syndrome comprend les signes dénommés subjectifs
par le professeur Marie. Nous montrerons cependant que certains
troubles de l'équilibration sont bien objectifs: voilà
pourquoi nous préférons la dénomination de
syndrome commun; d'ailleurs quelques autres troubles subjectifs
peuvent relever du syndrome de localisation. Ce syndrome comprend:
1° les céphalées; 2° les troubles, psychiques;
3° les troubles de l'équilibration; 4° certaines
modifications de l'état général (asthénie,
amaigrissement, etc.). Nous avons déjà exposé,
dans nos rapports mensuels du centre de neurologie, quelques-uns,
de ces faits et on pourra trouver, dans les rapports qui vont
suivre, l'exposé de toutes nos recherches, trop limités
que nous sommes par le temps pour les exposer ici.
Nous voulons cependant attirer l'attention
spécialement sur les troubles de l'équilibration,
à cause de leur fréquence et de leur intensité
telle qu'elle peut nécessiter pour eux seuls la réforme
n° 1. Ils se caractérisent : 1° par des signes
subjectifs, tels que sensation de vertige, anxiété,
brouillard devant les yeux, sifflements d'oreilles, céphalées;
2° par des signes objectifs, tels que chute du malade, troubles
du vertige voltaïque (soit modification de la résistance
voltaïque labyrinthique, soit localisation de la chute, toujours
du même côté latéral, postérieur,
antérieur, soit apparition précoce du voltaïque,
etc.), troubles du nystagmus calorique (nous étudions en
ce moment-ci les rapports qui peuvent exister entre ces deux dernières
catégories de signes), troubles de la marche dans certaines
conditions (yeux bandés selon la méthode de Babinski
avec ou sans excitation rotatoire ou voltaïque du labyrinthe),
troubles des attitudes des grands segments des membres, etc.
D'une manière générale
le syndrome commun dont nous venons de tracer les grandes lignes
existe, que la lésion atteigne le lobe frontal, le lobe
pariétal ou le lobe occipital, que le blessé soit
un petit trépané ou un large trépané.
Bien mieux, on le rencontre tout aussi net chez des commotionnés
cérébraux par éclatement d'obus. Il semble
donc qu'il doit dépendre tout autant du choc mécanique
par lésion de la boite crânienne que de la commotion
déterminée par l'explosion d'obus dont nous avons
essayé d'analyser le mécanisme dans nos rapports
mensuels. La trépanation ne les a pas améliorés,
le facteur temps est le seul important à ce point de vue,
les uns s'améliorant progressivement, les autres persistant
et certains signes au surplus, tels que céphalées
et troubles psychiques accrus très probablement par un
gros facteur de neurasthénie traumatique allant jusqu'à
la sinistrose de guerre.
Au point de vue pratique, certains
trépanés ne se présentent qu'avec le syndrome
commun. Parfois ce syndrome sera intense au point de nécessiter
une réforme temporaire, parfois il sera au contraire assez
minime pour permettre de récupérer le crânien.
Pour notre part, nous avons pu considérer
comme récupérables 34 trépanés sur
106, soit 14 frontaux sur 28 (50%), 15 pariétaux sur 66,
soit 24%, 5 occipitaux sur 12 soit 40%, les motifs de R. T. chez
les autres relevant de facteurs tels que vertiges, troubles visuels,
troubles convulsifs, large brèche osseuse, etc. Dans ces
34 trépanés récupérables, la moitié
avait un fond osseux au foyer de trépanation, l'autre moitié
présentait une perte de substance de 2 centimètres
de diamètre au maximum.
A notre avis, les petits trépanés
récupérables peuvent être en principe versés
dans le service auxiliaire et non réformés temporairement.
Le retour au front peut être dangereux, mais notre expérience
ne porte à ce point de vue que sur trois cas où
nous avons vu survenir une aggravation des troubles d'équilibration
sous l'influence des commotions successives par éclatement
d'obus.
Il faut donc pratiquement être
bien sûrs que le blessé ne présente ni troubles
convulsifs ni surtout troubles de l'équilibration avant
de le renvoyer au front.
Cette dernière possibilité,
bien que nous la considérions comme exceptionnelle, pourra
se rencontrer; il s'agit là de cas d'espèce qui
sont jugés le plus souvent uniquement sur l'appréciation
de troubles subjectifs (céphalée, troubles psychiques,
sensations vertigineuses) sur lesquels peut agir d'une manière
variable le facteur sinistrose.
Ainsi apparaît l'intérêt
pratique de nos recherches sur le moyen d'interroger le labyrinthe
qui nous permettront de contrôler d'une manière objective
les troubles subjectifs et de fixer des règles permettant
de prendre des conclusions médicales et des décisions
militaires.
Même au point de vue utilisation
des trépanés, nous voudrions que les blessés
versés dans le service auxiliaire soient affectés
à un service facile; pour le réaliser, le plus simple
serait peut-être de les rattacher à des formations
sanitaires où le médecin, mieux qualifié
que tout autre, pourrait leur trouver une fonction correspondant
à leur possibilité de rendement qui, nous le craignons,
sera toujours faible à cause du facteur sinistrose de guerre.
Cette solution ne vise d'ailleurs
que l'état de guerre actuel et il est entendu qu'à
la fin du conflit ces blessés auraient toute possibilité
de faire valoir leurs .droits pour une gratification.
M. ANDRÉ LÉRI (chef
du service neurologique Ambulance 1/2). - La question des troubles
subjectifs consécutifs aux traumatismes du crâne,
si clairement posée par M. Pierre Marie, n'a pour ainsi
dire pas été envisagée jusqu'ici. C'est pourtant
une des plus importantes de la pathologie nerveuse de guerre,
à cause de l'extrême fréquence de semblables
troubles, de l'absence presque toujours complète de tout
signe objectif qui paraisse les justifier, enfin des décisions
militaires sérieuses que ces troubles doivent entraîner.
La fréquence de ces troubles
peut être jugée par des chiffres. Le temps, depuis
la réception du rapport, ne nous a permis d'établir
une statistique que sur 100 traumatismes crâniens pris au
hasard: or, sur ces 100 observations, nous trouvons noté
30 fois le syndrome indiqué par M. Pierre Marie, à
savoir des céphalées et des pseudo vertiges persistants,
avec ou sans autres troubles subjectifs (1). Étant donné
que nous n'avons pas recherché ce syndrome de parti pris
et ne l'avons noté que quand il s'imposait, nous pouvons
dire que cette proportion de 30% est certainement un minimum.
(1) 13 fois il y avait seulement des céphalées et 5 fois seulement des vertiges (dans 3 au moins de ces cas, il s'agissait de vertiges vrais avec sensations de tournoiement); nous faisons abstraction de ces cas où un symptôme isolé peut être dû à des causes trop disparates. |
Il nous a semblé
qu'il était possible d'établir un certain rapport
entre le siège de la blessure crânienne et l'existence
du syndrome subjectif, céphalées et vertiges.
Sur les 100 traumatismes crâniens,
15 occupaient la région frontale, 20 la région occipitale,
11 la région temporale; 39 blessures occupaient, la région
pariétale et 12 empiétaient largement sur cette
région (5 région fronto-pariétale; 3, région
occipito-pariétale; 4 région temporo-pariétale)
(2). -Autrement dit, sur 400 cas, 51 fois la région pariétale
était atteinte, exclusivement ,ou non.
(2) Une blessure occupait la région temporo-frontale, une la base, une empiétait sur des régions douteuses à cause de la profondeur à laquelle avait pénétré le projectile. |
Or, sur les 30
cas où existaient des troubles subjectifs importants, la
blessure se trouvait 9 fois dans la région frontale, 11
fois dans la région 'occipitale, 3 fois dans la région
temporale; elle était placée 3 fois seulement dans
la région pariétale et une fois dans chacune des
régions fronto-pariétale, occipito-pariétale
et temporo-pariétale. C'est-à-dire que des céphalées
et des vertiges persistants étaient la conséquence
de lésions frontales 9 fois sur 15, de lésions occipitales
11 fois sur 20, de lésions temporales 3 fois sur 11; ces
troubles subjectifs n'étaient au contraire consécutifs
à des blessures exclusivement pariétales que 3 fois
sur 39 et à des lésions touchant plus ou moins cette
zone pariétale que 6 fois sur 51.
Ces chiffres démontrent donc
nettement (ce que nous avions cru observer au fur et à
mesure de nos examens cliniques) que les troubles subjectifs persistants
et graves, représentés surtout par des céphalées
et des pseudo-vertiges, sont beaucoup .plus fréquents quand
la blessure siège dans l'une des deux régions frontale
ou occipitale; ils sont relativement rares à la suite de
blessures de la région pariétale.
Ces troubles ne nous ont pas paru
avoir toujours des caractères identiques dans les lésions
frontales et dans les lésions occipitales.
Les céphalées sont presque toujours frontales, totalement
ou partiellement, non seulement quand la blessure siège
au front, mais même quand elle siège à l'occiput;
dans le premier cas, elles sont d'ordinaire presque uniquement
frontales, dans le dernier elles sont fréquemment en casque,
en couronne, souvent frontales, presque jamais exclusivement occipitales.
Quant aux vertiges, ils nous ont
paru avoir assez souvent dans les lésions occipitales,
et parfois dans les lésions temporales, quelques-uns des
caractères des vertiges vrais ou quelques caractères
plus particulièrement visuels: sensations de tournoiement
des objets ou du malade lui-même, obscurcissement de la
vue, objets à contours flous, "escamotage" et
réapparition des objets comme par l'effet d'un obturateur
photographique, etc. Dans les lésions frontales, il s'agit
plutôt d'une obnubilation simple et rapide de la conscience
avec, sensation de dérobement général, de
chute imminente, de "néant", sensation qui rapproche
ce pseudo vertige du pseudo vertige épileptique.
Ces différences de fréquence
et aussi ces quelques dissemblances de symptomatologie suivant
les régions nous paraissent appuyer les constatations faites
par M. Pierre Marie, à savoir que s'il peut y avoir dans
ces troubles subjectifs une certaine part d'état moral
du sujet, de laisser-aller plutôt que d'exagération
vraie, il s'agit du moins de sensations bien réelles, ayant
une base organique, et en tout cas pas d'une "leçon
apprise".
Pour ce qui est de l'origine et
de la nature même de ces troubles, nous croyons qu'ils sont
dans la grande majorité des cas en rapport avec des adhérences
méningées. Assurément, nous avons observé
des cas où, à la suite d'une simple contusion violente,
les sujets se sont plaints longtemps de céphalées
et de pseudo vertiges; mais ces cas sont exceptionnels. Très
ordinaires sont au contraire les cas où les sujets atteints
de ces troubles subjectifs avaient au niveau de leur perte de
substance crânienne des expansions et des tractions de leur
cicatrice indiquant une adhérence, non seulement de leur
cuir chevelu à la dure-mère, mais surtout de celle-ci
au cerveau (1). La relation de cause à effet entre ces
adhérences et ces troubles nous avait paru si vraisemblable
que nous avions tenté avec le docteur Bourguignon, dès
les mois de septembre et octobre, d'en obtenir la résolution
au moyen d'un procédé qui nous avait semblé
donner de bons résultats contre les tissus de sclérose,
à savoir l'ionisation avec l'iodure de potassium: nous
ne pouvons encore donner de résultats fermes d'après
quelques tentatives qui ont dû être interrompues.
(1) Le compte rendu de l'autopsie apporté par M. Chiray à cette même séance paraît confirmer l'importance des adhérences méningées. |
Quoi qu'il en
soit de leur cause, semblables troubles subjectifs, céphalées,
pseudo vertiges, etc., paraissent en général extrêmement
tenaces: sur les 30 observations que nous avons relevées,
la blessure datait 3 fois de 13 mois, 2 fois de 12 mois, 2 fois
de 10 mois, 5 fois de 8 mois, 4 fois de 7 mois, etc. Cette longue
persistance était à peu près analogue, que
la blessure siégeât au front, à l'occiput
ou à la tempe. Cela ne veut pas dire d'ailleurs que dans
certains cas ces troubles n'aient pas été déjà
en voie de décroissance; et cela veut moins dire encore
qu'ils ne puissent parfois décroître et disparaître
plus rapidement, les sujets chez lesquels ils avaient disparu
ayant par là même échappé à
notre observation prolongée.
De ces constatations découle,
au point de vue des décisions pratiques, la nécessité
d'éviter pour le moins trois erreurs : 1° Il ne faut
pas considérer ces sujets, sous prétexte que leurs
troubles sont purement subjectifs, comme des simulateurs; tout
au plus pourrait-on soupçonner parfois quelque degré
d'exagération ou de persévération; 2°
Il ne faut pas les garder dans les formations hospitalières,
où pendant des mois ils encombreraient inutilement des
lits sans espoir d'une guérison rapide; 3° Il ne faut
pas les réformer définitivement, car, si les troubles
sont prolongés, ils ne paraissent nullement immuables et
définitifs.
Restent deux solutions qui ne me paraissent pas exclusives l'une
de l'autre, à savoir : 1° Le passage dans le service
auxiliaire quand les troubles sont modérés; 2°
La réforme temporaire quand ils sont très prononcés,
quand par l'intensité de leurs troubles les blessés
feraient même de très mauvais auxiliaires, et quand
l'activité même réduite à laquelle
ils seraient alors astreints ne pourrait avoir sur l'évolution
de leurs troubles qu'un effet défavorable.
M. FR. MOUTIER (2° Secteur neurologique
de la 3° Région, Trouville) - J'ai été
frappé de l'extraordinaire fréquence des éblouissements
et surtout des vertiges chez les traumatisés du crâne.
Ayant méthodiquement exploré chez ces blessés
le vertige galvanique, j'ai pu reconnaître dans l'immense
majorité des blessures pariétales et occipitales
l'existence de troubles labyrinthiques. Ces troubles consistent
le plus souvent en une augmentation variable de la résistance
au vertige (18 à 44 m.a. et quelquefois 20 et 24), plus
rarement en une grande diminution de cette résistance (0,5
à 2 m.a.). En même temps se notent des anomalies
variables dans le mode de réaction au vertige: inclinaison
constante du même côté, oscillations céphaliques,
retard ou non-apparition du nystagmus, et surtout persistance
du vertige bien au delà de la durée normale.
Les épreuves caloriques m'ont
paru moins pratiques, moins fidèles et moins faciles à
interpréter que l'épreuve voltaïque si nettement
définie par M. Babinski.
Pour le règlement de la situation
militaire de ces blessés, j'estime que, dans la plupart
des cas (il ne s'agit naturellement que de ceux dont le syndrome
morbide prolonge le séjour au Centre spécial), ces
hommes se trouvent incapables du moindre effort, inaptes au plus
léger travail, aussi bien au dépôt que dans
les services auxiliaires. Je considère qu'en général
la mise en réforme temporaire est la solution la plus avantageuse.
M. GEORGES GUILLAIN (Centre neuro-psychiatrique
de la VI° armée). - J'ai eu l'occasion d'observer un
certain nombre d'officiers et de soldats revenus à l'armée
après avoir été antérieurement trépanés
pour des blessures du crâne. Ces anciens trépanés
se plaignaient de céphalées, de vertiges, de troubles
de la mémoire, d'asthénie, d'aboulie, etc. Je crois
que la plupart de ces symptômes dépendent de troubles
organiques. Parfois on décèle, chez ces malades,
de l'hypertension ou de l'hyperalbuminose du liquide céphalo-rachidien;
parfois les fonctions du labyrinthe ne sont pas normales; parfois,
il est vrai, aucun signe objectif d'une lésion ou d'un
trouble du névraxe ne peut être mis en évidence.
Des accidents plus sérieux, survenant souvent sans aucune
cause apparente, se voient parfois chez ces anciens trépanés:
je fais allusion aux crises épileptiques, non pas aux crises
épileptiques jacksoniennes, mais aux grandes crises épileptiques
avec perte de connaissance, convulsions, morsure de la langue,
etc. J'ai observé ces crises épileptiques chez plusieurs
officiers qui, par un sentiment très louable et devant
lequel on ne peut que s'incliner, avaient demandé à
repartir sur le front rapidement après la cicatrisation
de leur plaie crânienne. Tout récemment encore j'avais
en observation à Compiègne un jeune lieutenant qui
était revenu sur le front malgré les avis médicaux
et qui se croyait complètement guéri; il a présenté
une première fois dans la tranchée, une seconde
fois étant à cheval, une crise épileptique
caractéristique. Pour un chef de, section, on comprend
combien de tels accidents peuvent avoir de conséquences
sérieuses. Si chez les simples soldats l'asthénie,
l'aboulie, l'amnésie partielle ne présentent qu'une
importance relative, chez les officiers au contraire, qui doivent
prendre des décisions, faire preuve de présence
d'esprit et de volonté, ces troubles nerveux sont à
prendre en considération. Il est, incontestable que nombre
d'anciens trépanés ont, après quelques semaines,
une santé physique et un équilibre mental parfaits
et sont aptes à reprendre un service actif aux armées,
mais il convient de savoir que dans d'autres cas des troubles
nerveux chez ces sujets peuvent exister. Je crois que les anciens
trépanés qui se plaignent de céphalées,
de vertiges, de paresse intellectuelle, doivent être provisoirement
conservés, durant plusieurs mois, dans les formations de
l'arrière; cette ligne de conduite, d'après les
constatations que j'ai pu faire, doit s'appliquer tout particulièrement
aux officiers. En ce qui concerne les anciens trépanés
ayant présenté des crises épileptiques, même
rares et isolées, j'estime qu'il ne faut jamais les renvoyer
à l'armée combattante.
M. COLLET. - Dans la décision
à prendre, il convient d'attacher la plus grande importance
à la recherche des troubles objectifs concomitants: nystagmus
provoqué, troubles pupillaires, état du pouls, du
liquide céphalo-rachidien, etc
M. MARCEL BRIANT, Chef du service
des Psychoses (VaI-de-Grâce). Il est certain qu'on constate
souvent une disproportion déconcertante entre les caractères
de la blessures crânienne et les troubles subjectifs accusés
par le blessé.
J'attire l'attention sur la fréquence de la tachycardie
chez les traumatisés crâniens et il m'a paru que
cette tachycardie s'augmentait souvent lorsqu'on touchait à
la cicatrice.
Il faut traiter les blessés
du crâne qui présentent les troubles subjectifs dont
il vient d'être question comme on traite les "sinistrosés",
victimes d'accidents de travail. Lorsque tout traitement a échoué,
on s'efforcera de réadapter, le plus possible, à
la vie militaire ceux qui sont susceptibles de rendre des services
à l'arrière; on devra réformer les inadaptables
qui, pour la plupart, ne guériront qu'après la guerre.
M. LORTAT-JACOB, chef du Centre
neurologique de la 18° Région (Bordeaux). La recherche
de l'augmentation de la résistance au vertige voltaïque
démontre la réalité organique des troubles
accusés subjectivement par les blessés crâniens.
Dans 85 pour 100 des cas, cette augmentation de résistance
a pu être mise en évidence. Elle est souvent très
élevée. Il n'y, a aucun rapport entre l'importance,
l'étendue de la blessure du crâne et l'existence
des troubles du vertige voltaïque. De très petites
blessures crâniennes en apparence donnent souvent une forte
augmentation de résistance au vertige voltaïque. Les
troubles sont de longue durée.
Les blessés de la région
pariétale présentent souvent des troubles sensitifs
à topographie radiculaire, ou en bande, sur les membres.
Ces troubles sensitifs en bande révèlent la nature
organique des sensations subjectives accusées par ces blessés.
En règle générale:
il ne faut pas renvoyer aux armées les blessés cranio-cérébraux,
qui présentent des troubles du vertige voltaïque ou
des troubles sensitifs de topographie organique; il faut les mettre
en réforme temporaire.
M. PITRES, chef du Centre neurologique
de la 18° Région (Bordeaux). Parmi les troubles subjectifs
que présentent les blessés du crâne, il en
est un certain nombre qui semblent témoigner d'une atteinte
du sympathique, comme le syndrome de Claude Bernard-Horner, des
signes de basedowisme fruste, des cénesthopathies singulières.
J'ai noté aussi plusieurs fois la perte de la sensation
de la faim, la disparition des érections.
M. ANGLADE. - On observe chez les
blessés du crâne des phénomènes analogues
à ceux que présentent les commotionnés sans
blessures. Ce sont des réactions purement psychiques, d'origine
émotionnelle, dont la persistance peut être de longue
durée et dont il faut tenir compte dans l'appréciation
des troubles subjectifs.
M. ERNEST DUPRÉ -.I1 n'est
pas douteux qu'un traumatisme crânien peut exagérer
ou même créer de toutes pièces la constitution
émotive avec toutes ses manifestations chimiques : hyperréflectivité,
troubles vasomoteurs et sécrétoires, etc. Et parmi
ces signes d'émotivité morbide, il en est un, l'irritabilité,
qui peut avoir des conséquences grave au point de vue de
la discipline militaire.
M. SOUQUES. - Les troubles subjectifs
consécutifs aux blessures du crâne, que j'ai observés,
rappellent dans leurs grandes lignes ceux qui ont été
si bien mis en lumière par M. Pierre Marie.
J'ai observé deux formes
de céphalée : l'une, localisée à la
cicatrice ou au voisinage de la cicatrice, et liée au siège
de la blessure, constitue une espèce d'hyperesthésie;
l'autre, généralisée, souvent limitée,
aux régions fronto-temporales, est indépendante
du siège de la lésion.
Les éblouissements m'ont
paru beaucoup plus fréquents que le vertige accompagné
d'une sensation de déplacement. Sur dix blessés
que j'ai actuellement dans mon service, sept présentent
des éblouissements proprement dits et un seul du vertige
avec sensation de déplacement. Deux d'entre eux n'ont jamais
eu ni éblouissements ni vertiges. Je soulignerai, en passant,
que ces deux blessés présentent des crises d'épilepsie
partielle et une grosse hémiplégie; et ceci est
en accord avec la remarque faite par le rapporteur.
Enfin, les troubles intellectuels
m'ont paru constants, caractérisés par une diminution
des facultés et particulièrement de la mémoire.
Il s'agit surtout d'amnésie de fixation, pour les faits
postérieurs à la blessure. J'ai vu cependant des
cas d'amnésie rétrograde. Tous les blessés
que j'ai examinés se plaignent d'oublier vite les événements
de la veille ou de la journée: plusieurs se sont plaints
d'avoir oublié le lendemain qu'ils avaient écrit
la veille à leurs parents.
Ces divers troubles subjectifs (céphalée, étourdissements
ou vertiges, amnésie, diminution de l'intelligence, etc.)
sont rebelles et tenaces. Chez la plupart des blessés que
j'ai observés, ils ont résisté à toute
thérapeutique et ne se sont pas améliorés
jusqu'ici; chez quelques-uns d'entre eux, ils durent ainsi depuis
quinze et dix-huit mois. Ce sont des troubles graves qui s'exagèrent
par le mouvement et par les travaux intellectuels.
J'estime que ces blessés
ne sont pas aptes au service et qu'ils doivent ou être admis
dans un service de l'arrière ou même, dans certains
cas, être proposés pour une réforme temporaire.
M. C. VINCENT (Centre neurologique
de la 9° Région, 'l'ours). - Les blessés crâniens,
même s'ils doivent un jour retourner au front, ne le peuvent
qu'au bout d'un temps très long, six mois, un an.
Les renvoyer plus tôt est
à mon avis dangereux pour eux, dangereux pour les autres,
surtout s'il s'agit d'officiers
Pour les officiers, avant le retour
au front, il conviendra de les astreindre à un long service
au dépôt, avec équitation obligatoire, séjour
dans les camps ou les polygones. Pour les soldats, dans l'immense
majorité des cas, la réforme temporaire conviendra
le mieux.
Toutefois, il existe des cas particuliers,
cas de petites trépanations sans lésion de la dure-mère
(rondelle de trépanation) dans lesquels les hommes ou les
officiers pourront reprendre leur service.
M. ROUSSY (Centre neuro-psychiatrique
de la X° Armée). - Je souscris entièrement aux
conclusions de M. Guillain relatives aux anciens trépanés
renvoyés aux armées. Ces malades ne tiennent pas
aux violents bombardements; souvent ils ne peuvent porter le casque,
et bien vite sont renvoyés dans les services neurologiques
d'armée. Il y a donc lieu de ne pas renvoyer aux armées
les anciens trépanés non entièrement guéris.
M. LAIGNEL-LAVA STINE - Relativement
à la conduite à tenir vis-à-vis des blessés
du crâne avec troubles subjectifs se réduisant à
de la céphalée et quelques éblouissements
durant depuis des mois et sans autres complications, voici quelle
a été ma pratique depuis un an:
Les soldats, qui n'ont plus d'hyperalbuminose
du liquide céphalo-rachidien et de troubles marqués
du vertige voltaïque, sont renvoyés à leur
dépôt.
Par contre, les officiers, qui demandent en général
trop tôt à repartir et dont .les fonctions cérébrales
ont, dans la conduite de la guerre, beaucoup plus d'importance
que les mêmes fonctions chez les soldats, ne doivent être
renvoyés au dépôt qu'après une amélioration
encore plus grande.
M. CHIRAY (Chef du Centre neurologique
de la 10° Région, Rennes).
1° En ce qui concerne les blessés cranio-cérébraux
très légers, n'ayant pas subi de trépanation
et n'ayant que des éraflures superficielles de la calotte
crânienne, il ne peut y avoir de doute; ces blessés
doivent être renvoyés au front;
2° En ce qui concerne les blessés cranio-cérébraux
qui ont eu de graves atteintes de la boîte crânienne
et des hémisphères cérébraux, et chez
lesquels il reste comme séquelles des paralysies, des atrophies,
des contractures, des troubles des organes sensoriels importants,
il ne peut non plus y avoir de doute; ces malades doivent être
réformés
3° La question est plus complexe en ce qui touche les blessés
ayant eu une lésion cranio-cérébrale assez
importante, suivie de trépanation, et chez lesquels existent
des troubles fonctionnels variés. Il y a lieu de diviser
ces malades en deux catégories: ceux qui veulent retourner
au front et ceux qui ne veulent pas retourner au front.
En ce qui concerne ceux de ces malades
qui veulent retourner au front, s'il s'agit de soldats, il ne
peut y avoir de gros inconvénients à satisfaire
leur désir. S'il s'agit au contraire d'officiers, étant
données les responsabilités graves qui peuvent peser
sur ceux-ci à un moment donné, et les défaillances
qui ont été constatées en pareil cas, lorsque
la situation devient difficile, il y a lieu de ne donner satisfaction
à leur demande de retour au front qu'après des examens
longtemps prolongés et suffisamment détaillés.
Pour ceux de ces malades qui ne
veulent pas retourner au front, il faut convenir que lorsqu'ils
présentent des signes de lésions cranio-cérébrales
et des signes de trépanation consécutive, on est
obligé de s'en rapporter à leurs affirmations au
sujet des différents troubles subjectifs qu'ils accusent
et on ne peut les obliger à reprendre leur place au front.
Pour ces sujets, la seule discussion possible est entre l'affectation
au service auxiliaire ou la réforme temporaire ou définitive.
Dans la plupart des cas, c'est à cette dernière
mesure qu'on sera obligé de s'arrêter, même
si l'on est convaincu que ces blessés exagèrent
manifestement les troubles ressentis.
M. MAURICE VILLARET. 1° On ne
doit pas renvoyer dans la zone du front les grands traumatisés
crâniens, même indemnes de toute manifestation lésionnelle,
tout au moins avant une observation fort longue.
2° Il est à souhaiter
que, chez les trépanés, soit prononcée soit
l'inaptitude prolongée à faire campagne avec une
surveillance médicale, soit le passage dans le service
auxiliaire, dans une affectation soustraite aux efforts violents
et aux changements brusques de température et de pression,
s'il n'existe chez eux aucun trouble nerveux apparent, soit la
réforme temporaire (deuxième catégorie),
si ces troubles sont peu accentués (troubles sensitifs
ou visuels, vertiges, équivalents épileptiques vertigineux,
sensitifs ou sensoriels, petits troubles mentaux), soit la réforme
n° 1 avec grosse gratification renouvelable s'il existe des
symptômes classiques de lésion des centres nerveux.
M. ANDRÉ-'l'HOMAS. - Parmi
les trépanés qui ne présentent plus que des
troubles subjectifs, on peut tout d'abord distinguer le groupe
suivant: trépanés présentant ou ayant présenté
pendant un certain temps des signes indiscutables de lésion
organique du système nerveux. Ce groupe se confond avec
celui des traumatisés cranio-cérébraux du
professeur Grasset. Ces trépanés ne doivent pas
être renvoyés à la zone des armées.
Tel est le vu qui me parait pouvoir être proposé
en Principe d'après les communications faites par la plupart
de nos collègues.
M. GRASSET, chef du Centre neurologique
de la 16° Région (Montpellier). Les faits que nous
avons observés au Centre neurologique de la 16° Région
et qui ont été communiqués par M. Villaret
et par M. Jumentié, comme les faits observés par
M. Guillain et plusieurs autres collègues, me paraissent
conduire à cette conclusion: que tout traumatisé
cranio-cérébral est par là même devenu
inapte au service armé sur le front pendant un temps très
long.
M. Cestan ayant demandé la définition du traumatisme
cranio-cérébral, j'accepte le critère proposé
par M. André Thomas: la présence actuelle ou antérieure
des symptômes cérébraux organiques.
Comme l'a proposé un autre
de nos collègues, pendant la période d'inaptitude,
on devrait prévoir et ordonner des examens approfondis
dans un Centre neurologique, tous les six mois par exemple.
L'utilisation de l'homme inapte
(auxiliaire, dépôt, réforme temporaire) serait,
dans chaque cas, une question d'espèce.
M. REBIERRE (Centre neuro-psychiatrique,
Épinal) - Lorsque la décision primitivement prise
à l'égard d'un traumatisé cranio-cérébral
guéri des phénomènes aigus aura été
l'utilisation comme inapte au dépôt, le médecin
du dépôt devra, au bout de six mois, diriger, l'intéressé
sur le Centre de neuropsychiatrie de la région afin que
son état actuel soit défini et une nouvelle décision
prise.
M. P. SOLLIER, chef du Centre neurologique
de la 14° Région (Lyon). - En cas de faibles troubles
subjectifs et de petite perte de substance crânienne, on
peut essayer le service auxiliaire ou le dépôt avec
inaptitude à faire campagne. Quand les troubles sont plus
intenses, c'est le congé de longue durée ou la réforme
temporaire qui parait indiqué, étant donnée
l'ignorance où nous sommes de leur durée et des
conséquences éloignées qui peuvent survenir
ultérieurement.
Quand les troubles subjectifs s'accompagnent de troubles, objectifs
plus ou moins marqués, la réforme n° 1 semble
la seule mesure à prendre.
Pour résumer la conduite
à tenir, je propose la formule suivante:
En principe tout militaire atteint
d'un traumatisme cranio-cérébral ayant présenté
à un moment, donné des troubles organiques ne doit
pas être renvoyé au front, même s'il ne présente
plus que des troubles subjectifs, et doit être maintenu
à l'arrière.
M. JEAN LÉPINE (Centre psychiatrique
de la 14° Région, Lyon). - Les blessé atteints
de lésions cranio-cérébrales graves ne sont,
en principe, plus aptes au service du front. L'attention des médecins
militaires devra être attirée sur eux, en vue de
leur examen - au besoin dans un centre neurologique - et de leur
utilisation éventuelle dans les services de l'intérieur.
M. JUSTIN GODART. - Il semble ressortir
de cette discussion que chez les blessés du crâne
il est nécessaire de rechercher avec soin un certain nombre
de troubles dont la constatation a de l'importance au point de
vue pronostique. D'abord, comme l'a bien indiqué le rapporteur,
la céphalée, les éblouissements, puis comme
l'ont dit les autres orateurs, les troubles vertigineux, labyrinthiques,
les modifications du vertige voltaïque, et aussi les troubles
visuels. Il faut aussi analyser les troubles intellectuels, les
réactions émotives, sympathiques, circulatoires,
sécrétoires, etc. Enfin l'examen du liquide céphalo-rachidien
ne doit pas être négligé.
Au sujet de la conduite à
tenir vis-à-vis de ces blessés, il parait difficile
et il n'est pas désirable d'aboutir à une formule
absolue: on doit en effet toujours tenir compte des cas d'espèces.
Mais l'opinion dominante semble bien orientée vers cette
idée, qu'il ne faut renvoyer au front les blessés
du crâne que dans des cas tout à fait exceptionnels;
le plus souvent les mesures qui s'imposent sont ou la réforme
temporaire ou l'emploi dans les services auxiliaires de l'intérieur.
Il resterait à discuter les signes objectifs énumérés
par le rapporteur; mais, d'accord avec ce dernier, mieux vaudrait
remettre cette discussion à une date ultérieure;
elle sera plus fructueuse dans une réunion commune entre
neurologistes et chirurgiens où les uns et les autres pourront
apporter les résultats de leur expérience.
M. P. BOVERI (Service neurologique
militaire d'Alexandrie, Italie). - A propos des suites tardives
qui s'observent après la guérison chirurgicale des
blessures du crâne, nous désirons attirer l'attention
sur deux faits qui nous semblent fort dignes de remarque:
1° Les troubles visuels;
2° Les troubles intellectuels, spécialement ceux consécutifs
aux blessures du pariétal gauche.
Notre maître, M. le professeur
Pierre Marie, a le premier démontré la haute, importance
de l'examen du champ visuel chez les blessés du crâne.
Les plaies pénétrantes de la région occipitale,
donnent, d'une façon presque certaine, des troubles de
la sphère visuelle.
On comprend aisément que,
à la suite de ces blessures, toutes les variétés
de troubles visuels peuvent se présenter. Nous ne voulons
pas parler des cas graves, où il y a cécité,
etc., que tous connaissent.
C'est au contraire et surtout dans
les cas de blessures légères de la région
occipitale que l'examen du champ peut fournir des indications
de haute importance, au point de vue de la présence insoupçonnée
de fragments métalliques dans le cerveau, et que la radiographie
vient ensuite confirmer.
Aussi nous avons constaté, le plus souvent, des scotomes
hémianopsiques, négatifs, qui, ne donnant aucune
tache noire, sont presque toujours ignorés du blessé.
Ces cas sont d'une très grande fréquence. Le malade
se plaint simplement d'une légère fatigue de la
vision et d'une certaine difficulté de la lecture; la blessure
est parfaitement guérie et l'on pourrait croire à
une vraie guérison totale.
La constatation de scotomes hémianopsiques
est un signe qui parle en faveur de la présence de corps
étrangers intracérébraux.
Le deuxième fait que nous
avons constaté dans les blessés du crâne,
c'est une déchéance intellectuelle, qui se manifeste
de la façon la plus variable, mais qui est frappante dans
les blessures du pariétal gauche. On peut dire que presque
tous les blessés du crâne - ceux, bien entendu, chez
lesquels il y a eu une lésion d'une certaine étendue
de l'écorce - présentent des troubles psychiques,
si petits et obscurs qu'ils soient (asthénie, aboulie,
torpeur, émotivité extrême, troubles de la
mémoire, etc.).
Lorsque la lésion siège
au pariétal gauche, les phénomènes sont très
manifestes et la baisse d'intelligence rend ces malades pareils
à des enfants. Nous en avons en ce moment, dans notre service
neurologique d'Alexandrie, plusieurs qui sont tout à fait
démonstratifs.
Ce fait vient, il nous semble, confirmer
la théorie de Pierre Marie à propos de l'aphasie.
M. PIERRE BONNIER. - Dans la discussion
qui a suivi le rapport de M. Pierre Marie, discussion avant tout
documentaire et clinique, je n'ai pas voulu demander à
présenter une observation d'ordre technique. Je l'ai regretté
ensuite, en constatant comment la plupart de nos jeunes collègues
conçoivent l'examen clinique des phénomènes
vertigineux.
J'ai beaucoup étudié
le vertige, autrefois, il y a près d'un quart de siècle,
à une époque où cette question n'était
guère à l'ordre du jour. J'ai pu décrire
et expliquer physiologiquement, définir et classer toutes
les modalités de ce trouble, à l'écart de
la presque totalité de mes confrères, à qui
la guerre vient de les révéler. J'ai tiré
de ce travail la définition du sens des attitudes, qui
a peu à peu pris pied dans la pratique neurologique. Et
quand j'écrivais que l'examen clinique de l'appareil labyrinthique
et de ses centres devait se faire au travers des troubles oculomoteurs,
et que c'était par l'étude des nystagmus, des mydriases,
des déviations, des troubles toniques et cloniques de la
musculature de l'il, de ses dérobements et de tout un tableau
de complexes oculaires, - auxquels j'ai plus tard rattaché
les formes labyrinthiques du phénomène de Ch. Bell,
- que nous devions explorer les désarrois vestibulaires,
je pensais bien que ces notions, cinq, dix, vingt ans plus tard,
finiraient par entrer dans les données courantes
Mais la vieille pratique de cette recherche, leur exposé
dans une suite d'écrits et dans mes leçons à
l'Hôtel-Dieu, m'avait confirmé dans l'observance
de ce principe, souvent répété: pour bien
connaître les désordres fonctionnels d'un organe
et sa capacité, il faut avant tout le laisser dans sa physiologie,
ne pas lui parler un langage qu'il n'entend pas, ne pas commencer
par le mettre hors de lui en lui imposant des conditions expérimentales
absolument en dehors de cette physiologie dans laquelle il est
spécialisé et organiquement différencié.
Je recommandais, pendant l'examen de l'il, de soumettre l'oreille
à des sollicitations physiologiques de l'ordre de celles
pour lesquelles cet organe est fait, telles que pressions centripètes
de Gellé, aspirations, mouvements variés de la tête,
des yeux, etc. mais je déconseillais formellement les épreuves
dans lesquelles on fait intervenir des agents modificateurs étrangers
à la spécialisation organique de l'oreille.
On ne gagne pas grand'chose en soumettant
toute la masse des deux oreilles, du bulbe, du cervelet et des
deux hémisphères à un courant voltaïque,
qui met le labyrinthe dans une situation tout à fait étrangère
à ses conditions légitimes de fonctionnement; de
même, une injection d'eau chaude dans l'oreille nous révélera
sans doute comment peut se comporter un malade dont on irrite
fortement le tympan, mais il y a loin de cette attaque brusquée
aux égards qu'un physiologiste doit à cette merveille
de délicatesse qu'est notre appareil d'équilibration.
Il existe d'autres façons
d'interroger l'oreille dans ses profondeurs. Elles consistent
à lui parler sa langue, et si l'on veut y arriver, il faudra
étudier un peu sa physiologie, un splendide chapitre.