L´amplitude des oscillations
posturales dans la bande de fréquence 0,2 Hz a été
étudiée, grâce au paramètre d´amplitude
normalisée, dans deux cohortes de malades posturaux dont
les épreuves fonctionnelles vestibulaires étaient
normales ou non.
Dans ces deux cohortes cette amplitude normalisée
est anormale.
Les épreuves fonctionnelles vestibulaires
ne sont donc pas capables de détecter toutes les anomalies
de fonctionnement du contrôle postural.
Comme la stabilométrie enregistre des
oscillations dont les accélérations sont inférieures
au seuil de perception des canaux semi-circulaires, il est possible
d´affirmer qu´elle, et elle seule pour le moment,
est capable de mesurer les effets d´une pathologie posturale
«infracanaliculaire». A partir de cette étude
cependant il n´est pas possible d´affirmer formellement
l´existence de cette pathologie car il persiste un doute
sur la capacité des épreuves fonctionnelles vestibulaires
à tester l´état des canaux verticaux.
La possibilité d´une telle pathologie
est discutée.
Il est reconnu que la stabilométrie
est une méthode valable d´exploration du contrôle
de la posture orthostatique (A.A.N, 1992; Cambier, 1993), mais
personne n´a expliqué en quoi elle pouvait servir
au diagnostic clinique. De fait elle n´est pas utilisée
en neurologie. Elle s´est même révélée,
très tôt, totalement inutile aux otoneurologues qui
n´avaient pas attendu la stabilométrie pour établir
leurs critères diagnostiques (Aubry et al., 1968).
Cette dernière constatation est étonnante: comment
le contrôle de la posture orthostatique exploré par
la stabilométrie peut-il être à ce point étranger
aux troubles de l´équilibre étudiés
par les otoneurologues?
Une explication possible de cette apparente
contradiction consiste à supposer qu´il existe une
pathologie du contrôle postural dans un domaine qui échappe
au contrôle des canaux semi-circulaires. Il existerait une
pathologie «infracanaliculaire», pour reprendre l´excellente
expression proposée par l´Académie de Médecine.
Cette hypothèse est fondée sur
la sensibilité des appareils de posturographie statique
qui enregistrent des oscillations du corps dont les accélérations
sont inférieures au seuil de perception des canaux semi-circulaires.
Cette grande sensibilité de la posturographie avait déjà
été notée avec l´ataxiamètre
de Miles (Birren, 1945), on la retrouve avec les stabilomètres
(Gagey &Toupet, 1988).
Pour tester cette hypothèse, les enregistrements
stabilométriques de malades posturaux dont la fonction
des canaux semi-circulaires était ou non normale ont été
comparés. Il apparaît que les malades dont la fonction
vestibulaire est normale se comportent sur plate-forme de stabilométrie
comme les malades dont la fonction vestibulaire est anormale.
Il existerait donc une pathologie posturale que les examens otoneurologiques
conventionnels ne mettent pas en évidence parce qu´ils
ne testent que l´état des canaux semi-circulaires.
L´existence de cette pathologie posturale
particulière, décrite par la stabilométrie,
est cohérente avec la notion d´un sous-système
du contrôle postural qui fonctionne sans l´information
canaliculaire, le «Système Postural Fin» (Gagey,
1994).
âge |
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Vestibulaires |
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NonVestibulaires |
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Les enregistrements
ont tous été réalisés sur une plate-forme
de stabilométrie normalisée par l´Association
Française de Posturologie (Bizzo et al., 1985),
informatisée, validée par les travaux de la même
Association (A.F.P., 1985), commercialement disponible en Europe
méridionale. L´environnement visuel est strictement
normalisé: cible à 90 cm devant le sujet, éclairée
à 2.000 lux, parois latérales à 50 cm. La
position des pieds sur la plate-forme est normalisée: pieds
à 30°; talons espacés de 2 cm; barycentre du
polygone de sustentation toujours situé au même point,
quelle que soit la pointure du sujet. Les enregistrements ont
été réalisés en situation yeux ouverts,
l´acuité visuelle éventuellement corrigée
selon les habitudes du sujet, puis yeux fermés dans la
pénombre. Échantillonnage à 5 Hz de la position
du centre de pression. Durée de l´enregistrement
51,2 s. Le signal analogique provenant de chacune des trois jauges
de contrainte était filtré par un filtre antirepliement,
bande passante 0/2 Hz, structure du quatrième ordre.
Après
normalisation par rapport à sa valeur moyenne et application
de la fenêtre de Hamming, le signal a été
soumis à l´algorithme de FFT de Cooley-Turkey, qui
a fourni une valeur du spectre d´amplitude pour chacune
des 125 bandes de fréquence élémentaire de
0,02 Hz entre 0 et 2,5 Hz.
A partir de ce spectre d´amplitude a été
calculé le paramètre «ANØ2»,
valeur de l´amplitude normalisée dans la bande de
fréquence 0,2 Hz (Gagey, papier compagnon).
L´analyse
statistique compare les distributions du paramètre ANØ2
dans la population normale et les cohortes de malades par le t-test
de Student.
Les résultats
sont présentés pour les oscillations droite-gauche
(XAD) et les oscillations avant-arrière (YAD), dans les
situations yeux ouverts (YO) et yeux fermés (YF), sous
forme de comparaison des malades aux sujets normaux et entre eux.
Situation yeux ouverts
Chez les Vestibulaires,
en XAD, YO, la moyenne du paramètre ANØ2 est de
23,39 ± 15,32 (fig. 1).
FIG. 1 - Distribution
de ANØ2 chez les malades vestibulaires et les normaux,
en XAD, YO. Histogramme des malades, courbe de Gauss de la distribution normale. N = 483; t = 6,84 (p < 0,001). |
|
FIG. 2 - Distribution
de ANØ2 chez les malades vestibulaires et les normaux,
en XAD, YF. Histogramme des malades, courbe de Gauss de la distribution normale. N = 483; t = 3,39 (p < 0,001). |
|
FIG. 3 - Distribution
de ANØ2 chez les malades vestibulaires et les normaux,
en YAD, YO. Histogramme des malades, courbe de Gauss de la distribution normale. N = 483; t = 6,69 (p < 0,001). |
|
FIG. 4 - Distribution
de ANØ2 chez les malades vestibulaires et les normaux,
en YAD, YF. Histogramme des malades, courbe de Gauss de la distribution normale. N = 483; t = 1,91 (ns). |
|
Situation yeux ouverts
Chez les NonVestibulaires,
en XAD, YO, la moyenne du paramètre ANØ2 est de
19,26 ± 12,55 (fig. 5).
FIG. 5 - Distribution
de ANØ2 chez les malades NonVestibulaires et les normaux,
en XAD, YO. Histogramme des malades, courbe de Gauss de la distribution normale. N = 482; t = 5,43 (p < 0,001). |
|
Situation yeux fermés
Chez les NonVestibulaires,
en XAD, YF, la moyenne du paramètre ANØ2 est de
21,69 ± 13,14 (fig. 6).
FIG. 6 - Distribution
de ANØ2 chez les malades NonVestibulaires et les normaux,
en XAD, YF. Histogramme des malades, courbe de Gauss de la distribution normale. N = 482; t = 3,42 (p < 0,001). |
|
Situation yeux ouverts
Chez les NonVestibulaires, en
YAD, YO, la moyenne du paramètre ANØ2 est de 15,66
± 10,45 (fig. 7).
FIG. 7 - Distribution
de ANØ2 chez les malades NonVestibulaires et les normaux,
en YAD, YO. Histogramme des malades, courbe de Gauss de la distribution normale. N = 482; t = 6,09 (p < 0,001). |
|
Situation yeux fermés
Chez les NonVestibulaires, en
YAD, YF, la moyenne du paramètre ANØ2 est de 18,16
± 11,41 (fig. 8).
FIG. 8 - Distribution
de ANØ2 chez les malades NonVestibulaires et les normaux,
en YAD, YF. Histogramme des malades, courbe de Gauss de la distribution normale. N = 482; t = 2,73 (p < 0,01). |
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Les résultats des comparaisons
de moyennes entre les cohortes de malades Vestibulaires et NonVestibulaires
sont présentés au tableau 2.
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t de Student |
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Signification |
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TAB. 2 - t de Student des comparaisons de moyennes entre les distributions
du paramètre ANØ2 des malades Vestibulaires et des
NonVestibulaires
L´effet de l´âge
sur le paramètre ANØ2 a été étudié
séparément chez les malades Vestibulaires et NonVestibulaires.
Les résultats des comparaisons
de moyennes des distributions du paramètre ANØ2
entre la cohorte de malades Vestibulaires de 40/49 ans et les
cohortes des malades Vestibulaires des autres classes d´âge
sont présentés au tableau 3.
Age | XAD | XAD | YAD | YAD |
YO | YF | YO | YF | |
50/59 | 1,05 | 1,18 | 0,39 | 0,57 |
ns | ns | ns | ns | |
60/69 | 0 | 0,57 | 0,75 | 0,60 |
ns | ns | ns | ns | |
70/79 | 0,21 | 0,08 | 1,45 | 2,31 |
ns | ns | ns | p<0,05 | |
= ou >80 | 0,91 | 1,67 | 1,88 | 1,99 |
ns | ns | ns | p<0,05 |
TAB. 3 - t de Student des comparaisons de moyenne
des distributions du paramètre ANØ2 dans les cohortes
de malades Vestibulaires entre la classe d´âge 40/49
ans et les autres classes d´âge.
Les résultats des comparaisons
de moyennes des distributions du paramètre ANØ2
entre la cohorte de malades NonVestibulaires de 40/49 ans et les
cohortes des malades NonVestibulaires des autres classes d´âge
sont présentés au tableau 4.
Age | XAD | XAD | YAD | YAD |
YO | YF | YO | YF | |
50/59 | 1,21 | 0,63 | 0,66 | 0,97 |
ns | ns | ns | ns | |
60/69 | 1,20 | 2,02 | 0,45 | 0,63 |
ns | p<0,05 | ns | ns | |
70/79 | 2,10 | 0,21 | 0,71 | 0,87 |
p<0,05 | ns | ns | ns | |
= ou >80 | 3,70 | 0,11 | 0,51 | 0,44 |
p<0,001 | ns | ns | ns |
TAB. 4 - t de Student des comparaisons de moyenne
des distributions du paramètre ANØ2 dans les cohortes
de malades NonVestibulaires entre la classe d´âge
40/49 ans et les autres classes d´âge.
A partir de cette analyse il
est possible d´affirmer que la population étudiée
de malades «posturaux» NonVestibulaires présente,
comme les malades Vestibulaires, une distribution anormale du
paramètre ANØ2, même si la distribution de
ce paramètre, en situation yeux ouverts, est plus anormale
chez les Vestibulaires que chez les NonVestibulaires (tab. 2).
La dichotomie très stricte établie par les épreuves
fonctionnelles vestibulaires entre Vestibulaires et NonVestibulaires
disparaît lorsque ces malades sont soumis à un enregistrement
stabilométrique. Ce dernier examen met en évidence
des anomalies du contrôle de la posture orthostatique qui
échappent aux épreuves fonctionnelles vestibulaires
classiques, utilisées au cours de cette étude.
Il est reconnu que les épreuves vestibulaires
classiques ne testent que l´état des canaux semi-circulaires
par le biais de la boucle vestibulo-oculaire. Ces épreuves
permettent donc uniquement de dire que la fonction canaliculaire
des malades était normale le jour de leur enregistrement
stabilométrique, encore faut-il accepter une certaine réserve
sur l´état des canaux verticaux. Du fait de cette
dernière réserve, les résultats de cette
étude ne permettent pas d´affirmer formellement qu´il
existe une «pathologie infracanaliculaire», mais ils
rendent cette hypothèse plus vraisemblable.
Cette hypothèse, en effet, a déjà
été implicitement soutenue, dès 1945, par
Birren qui a clairement dissocié le contrôle de l´équilibre
statique et la fonction canaliculaire. Et dix années auparavant
Rademaker (1935) avait remarqué que des malades atteints
d´une destruction bilatérale de la huitième
paire n´avaient pas de difficultés à se tenir
debout immobiles alors qu´ils étaient totalement
incapables de marcher sur un rail.
Actuellement les travaux de l´International
Society for Postural and Gait Research soulignent globalement
la distinction entre le contrôle de l´équilibre
statique et dynamique (Igarashi & Black, 1985; Amblard et
al., 1989; Brandt et al., 1990; Woollacott & Horak, 1992;
Taguchi et al., 1994). Et Fitzpatrick. & McCloskey ont publié
des travaux de physiologie qui confirment que le maintien de la
posture orthostatique n´utilise pas l´information
canaliculaire (1994).
Il existe donc, très
vraisemblablement, un sous-système du contrôle postural
qui n´utilisent pas la fonction canaliculaire; son existence
a été soupçonnée dans les années
60 par Baron; il a été nommé le «Système
postural fin» (Gagey, 1994).
Comme ce système contrôle le maintien
de la posture orthostatique il est logique de vérifier
si les dérèglements fonctionnels de la station debout
ont ou non un rapport avec une dysfonction de ce système
(Gagey & Weber, 1995). Et la seule technique que nous connaissions
à l´heure actuelle pour mesurer le fonctionnement
global de ce système est la stabilométrie.
Comme un grand nombre de dérèglements
de la station debout n´ont jamais été rattachés
à une lésion en foyer du système nerveux
central on peut se demander à quoi correspondraient ces
dysfonctions du système postural fin supposées les
expliquer. Cette question n´est pas nouvelle, Babinski et
Froment (1918) l´ont déjà abordée au
début de ce siècle en s´interrogeant sur ce
que représentaient ces maladies «nerveuses»
qui ne correspondent ni à des lésions en foyer du
système nerveux central, ni à des troubles psychiatriques.
Dans le cadre du contrôle de la posture orthostatique, la
notion de système postural fin apporte une réponse
possible à cette question. Les analyses chaotiques du signal
stabilométrique ont montré en effet que le système
postural fin fonctionne comme un système dynamique non
linéaire (Martinerie & Gagey, 1992; Myklebust et al.,
1995; Thomasson, 1995, personal communication) et l´extrême
sensibilité de ces systèmes est maintenant parfaitement
connue: «The flap of a butterfly´s wings in Brazil
set off a tornado in Texas» pour ne citer que Lorenz (1993).
Les dysfonctions «mystérieuses» du système
postural fin à l´origine de certains dérèglements
de la station debout ne seraient qu´une expression du mode
de fonctionnement étrange de ces systèmes métastables.
Le choix des malades n´a
pas été opéré selon les catégories
nosologiques habituelles puisque, précisément, cette
analyse teste l´hypothèse d´une catégorie
nosologique nouvelle. Pour ne pas introduire de biais statistique,
les cohortes de malades Vestibulaires ont été constituées
d´un nombre égal de malades représentant les
différentes pathologies qui modifient les épreuves
fonctionnelles vestibulaires. Quant aux cohortes de malades NonVestibulaires
elles ont été constituées de malades qui
accusaient des perturbations du contrôle de la posture orthostatique,
quelque soit leur diagnostic conventionnel. Les plaintes «posturales»
de ces malades se rapportaient donc essentiellement à de
l´instabilité et/ou à des sensations vertigineuses,
mais il n´est pas exclu que les algies de l´axe corporel
présentées par certains d´entre eux aient
pu aussi modifier leur paramètre ANØ2 (Gagey, 1986;
Guillemot & Duplan, 1995).
Selon certains otoneurologues, un seul bilan
fonctionnel vestibulaire normal serait insuffisant pour affirmer
que la fonction canaliculaire de ces malades serait toujours satisfaisante.
Cela est peut-être possible, mais il est sûr que le
jour où ces malades ont été enregistrés
sur stabilomètre, ce jour-là leurs canaux semi-circulaires
manifestaient un fonctionnement normal.
Les malades dont une surface de statokinésigramme,
en situation yeux ouverts ou yeux fermés, était
supérieure à 2.000 mm2 ont été exclus de cette étude
car les calculs théoriques montrent que de telles surfaces
correspondent à des oscillations posturales dont des accélérations
sont susceptibles d´être perçues par les canaux
semi-circulaires (Gagey & &Toupet, 1988). Certes, les
marges d´erreur de cette limite de 2.000 mm2 sont inconnues, mais dans
l´état actuel de nos connaissances il était
indispensable de prêter attention, même imparfaitement,
à cette intervention des canaux semi-circulaires dans le
contrôle postural.
Les malades dont une intercorrélation
du signal stabilométrique était sinusoïdale
ont été exclus de cette étude car un tel
tracé est la preuve que les oscillations droite-gauche
et antéro-postérieures partagent la même fréquence;
elles ne possèdent donc plus de critère qui permettent
d´assurer leur indépendance normale (Kapteyn, 1973),
il est donc possible qu´elles soient prises en charge par
un centre unique, vraisemblablement supérieur, qu´elles
soient «surcontrôlées» (Ferrey, 1995).
Cinq des 32 combinaisons de
comparaisons de moyenne entre les différentes classes d´âge,
aux tableaux 3 et 4, présentent des différences
statistiquement significatives.
Chez les Vestibulaires on note une réduction
significative du paramètre ANØ2 chez les plus âgés
(en YAD, YF, dans la septième décade sa moyenne
est de 14,74 ± 9,28 et dans la huitième décade
elle est de 15,10 ± 8,65, au lieu de 18,25 ± 11,99
dans la quatrième décade).
Chez les NonVestibulaires on note au contraire
une augmentation du paramètre ANØ2 chez les plus
âgés (en XAD, YF, dans la sixième décade
sa moyenne est de 24,75 ± 13,63, au lieu de 21,03 ±
12,45 dans la quatrième décade; en XAD, YO, dans
la septième décade sa moyenne est de 20,03 ±
12,92 et dans la huitième décade elle est de 23,22
± 14,08, au lieu de 16,58 ± 10 dans la quatrième
décade).
L´évolution du paramètre
ANØ2 avec l´âge ne présente pas le même
profil que l´évolution des autres paramètres
stabilométriques (Toupet et al., 1992).
Ces quelques différences significatives
entre classes d´âge n´empêchent pas de
les regrouper pour l´analyse statistique car il est bien
connu que le vieillissement s´accompagne de difficultés
du contrôle de la posture orthostatique (Woollacott et al.,
1986; Horak et al., 1989; Toupet et al., 1992).
Il existe de nombreux paramètres
de stabilométrie: Surface et Longueur du statokinésigramme,
position moyenne en X et en Y, Écart-type de la vitesse,
etc.; la plupart de ces paramètres sont modifiés
au cours des dérèglements de la station debout (Gagey
& Weber, 1995). Mais on ne peut jamais être tout à
fait sûrs que ces paramètres n´ont pas été
modifiés plus ou moins consciemment par certains sujets.
Il existe bien des critères, au cours d´un examen
clinique, qui permettent de suspecter une simulation, sans pouvoir
l´affirmer cependant; mais au cours d´études
portant sur un grand nombre de malades ces critères médiocres
sont inutilisables. Par contre il semble difficile de suspecter
la moindre simulation en vue de modifier le pourcentage de l´amplitude
des oscillations posturales dans la bande de 0,2 Hz, surtout par
des sujets totalement ignorants des techniques d´analyse
du signal stabilométrique.
Au cours des enregistrements stabilométriques
de cette étude le rythme de la ventilation n´a jamais
été enregistré en même temps que les
mouvements du centre de pression. Il n´est donc pas possible
d´étudier le rôle du rythme de ventilation
dans l´apparition des anomalies rapportées du paramètre
ANØ2. Mais il est impossible aussi d´éviter
de se poser des questions à ce sujet. Quel rapport pourrait-il
y avoir entre une atteinte des canaux semi-circulaires et l´amplitude
anormales des oscillations posturales synchrones de la respiration?
Cette question est suffisamment nouvelle pour qu´on s´y
arrête un instant.
Rappelons d´abord que de nombreux travaux
de physiologie ont étudié la relation qui existe
entre le rythme de ventilation et les oscillations posturales
(Cf. papier compagnon) et personne n´a prouvé que
cette relation qui existe chez l´homme normal disparaisse
chez le malade. Au contraire Gurfinkel a montré que les
oscillations posturales dans la bande de fréquence 0,2
Hz devenaient nettement plus amples chez des malades, au point
d´être directement visibles sur les stabilogrammes
sans analyse de Fourier (Gurfinkel & Elner, 1973). Pour expliquer
cette augmentation des oscillations de 0,2 Hz chez certains malades
Gurfinkel suggère qu´il existe chez l´homme
normal une synergie entre la ventilation et les mouvements de
l´articulation coxo-fémorale qui réduit l´impact
des mouvements de ventilation sur les oscillations posturales;
cette synergie disparaîtrait au cours de certaines maladies
(Gurfinkel et al., 1971). Sans nier l´existence possible
de cette synergie Hunter et Kearny (1981), confirmés par
Bouisset et Duchêne (1994), contestent qu´elle se
réalise au niveau de l´articulation coxo-fémorale.
Tardy (1997) la situe au niveau du thorax, elle serait modifiable
par une asymétrie de l´activité des muscles
respiratoires et posturaux de cette région. Cette dernière
proposition pourrait rendre compte du lien entre les atteintes
des canaux semi-circulaires et une augmentation des oscillations
posturales en rapport avec la ventilation, les asymétries
toniques posturales des vestibulaires en effet sont bien connues.
Cette étude sur l´amplitude
normalisée des oscillations posturales dans la bande de
fréquence 0,2 Hz montre que les épreuves fonctionnelles
vestibulaires limitées aux seuls canaux semi-circulaires
sont incapables de détecter certaines anomalies du contrôle
de la posture orthostatique mises en évidence par la stabilométrie.
Comme cette dernière technique enregistre des oscillations
dont les accélérations sont inférieures au
seuil de perception des canaux, il est possible de soutenir l´hypothèse
que la stabilométrie explore une pathologie «infracanaliculaire»,
sans prétendre pour autant que la présente étude
le démontre.
Dans ce contexte divers travaux fondamentaux
ont été évoqués qui donnent cohérence
et crédibilité à la notion d´un sous-système
du contrôle postural propre à la posture orthostatique,
le «système postural fin» vers lequel convergent
ces approches cliniques et fondamentales.
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