Cinquante ans d´évolution des idées sur le Syndrome post-commotionnel


Pierre-Marie Gagey

Institut de Posturologie, 4, avenue de Corbéra 75012 PARIS
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A) Introduction

    Dans les années cinquante nous savions que nous ne savions pratiquement rien sur le syndrome post-commotionnel, mon maître Guillaume, le neurochirurgien, nous le disait clairement: «Le syndrome post-commotionnel, je ne sais pas ce que c´est».

    Pourtant nous avions hérité d´un travail remarquable, cette réunion de la Société de Neurologie des 6 & 7 avril 1916, organisée autour du Ministre de la Santé, pour essayer de se mettre d´accord sur la conduite à tenir avec les militaires victimes d´un syndrome post-commotionnel. Avec Pierre Marie (1916) des personnalités remarquables comme Babinski, Froment, Villaret, Guillain, etc., se mettent d´accord pour définir le tableau clinique du syndrome post-commotionnel fait uniquement de symptômes subjectifs: céphalées, éblouissements (= sensations vertigineuses, instabilité et troubles visuels), troubles du sommeil, de la mémoire de fixation et de l´humeur.

    Cette réunion marque une rupture dans la tradition de la pensée médicale. « Les blessures du crâne produisent le délire» avait écrit Hippocrate dans ses aphorismes (Section VII, 24) et à la fin du XIXième siècle, des séquelles des traumatismes crâniens on ne retenait encore que les troubles psychiatriques (Cf Benon, 1913, son chapitre « historique» ). Or cette réunion note explicitement l´objectivité de ces troubles subjectifs car « les descriptions par tous les sujets sont absolument identiques, faites avec les mêmes expressions» . Ainsi Pierre Marie a fondé la recherche de ce qui peut bien être à la base de cette objectivité. Les tentatives d´explication par le vertige voltaïque n´aboutiront pas, comme l´avait prédit Pierre Bonnier au cours de cette même réunion, il faudra attendre qu´on s´occupe du « sens des attitudes» , de la posture de ces malades, mais aussi de la biomécanique du traumatisme crânien, de son impact tissulaire, pour commencer de comprendre les bases objectives du syndrome post-commotionnel.

    Ces bases objectives du syndrome post-commotionnel loin d´en éliminer les aspects psychiatriques permettent au contraire de les comprendre et de les intégrer: chacun vit à sa manière les transformations accidentelles de sa personne (Cf. par exemple le texte remarquable de Cohandon (1983) sur ce sujet). Et ces conséquences psychiatriques du syndrome post-commotionnel ne peuvent pas être confondues avec la névrose post-traumatique (Crocq, 1969), imputable, elle, au traumatisme psychique de l´accident, dont le tableau clinique est très particulier.


B) Les bases objectives du syndrome post-commotionnel



1) Les lésions dues au traumatisme crânien



a) Lésions dues à l´onde de choc

   Tout choc sur un corps physique engendre la propagation d´une onde de choc à l´intérieur de ce corps.
Deux études de l´onde de choc du traumatisme crânien ont été faites par des équipes différentes, elles aboutissent à la même conclusion: quelque soit le lieu de l´impact, la forme du crâne focalise l´onde de choc sur la zone normalement occupée par le tronc cérébral.

   Gurdjian & Lissner (1961) ont utilisé un récipient ayant la forme du crâne, rempli d´une solution de jaune Miling. La transmission de la lumière polarisée à travers cette solution est modifiée par les contraintes mécaniques qu´elle subit. On voit ainsi apparaître un gradient des contraintes de plus en plus serré au fur et à mesure qu´on s´approche du trou occipital.


 FIG.1 - Représentation schématique des variations de l'intensité de l'onde observées dans le plan sagittal médian.
Impact au bragma (Br); P.f.: plan de Francfort; T.o.: trou occipital.
(d'après Amphoux & Sevin, 1975)

   Amphoux et Sevin (1975) ont utilisé des crânes humains, secs ou frais, et mesuré, en diverses places, l´intensité de l´onde sonore provoquée par un choc. Quelque soit le lieu de impact, l´onde atteint son maximum dans la région sous-tentorielle (figure 1).

   Les résultats de ces expériences sont cohérents avec les publications d´anatomie pathologique qui notent toutes que le tronc cérébral est pratiquement toujours lésé après un traumatisme crânien (Cf. bibliographie dans Vedrenne & Chodkiewicz, 1975) et l´imagerie médicale retrouve maintenant in vivo ces lésions du tronc cérébral (Gean et al.,1995) .

   Comme le syndrome post-commotionnel n´est pas une maladie qui mène à la mort nous ne possédons pas d´étude anatomo-pathologique de sujets morts, pour une cause intercurrente, alors qu´ils présentaient un syndrome post-commotionnel dûment caractérisé. Makishima (1976) a bien étudié deux sujets morts l´un cinq mois, l´autre six ans après un traumatisme crânien n´ayant entraîné qu´une brève perte de connaissance, malheureusement il ne précise pas s´ils présentaient à l´époque de leur mort un syndrome post-commotionnel. Mais son étude est doublement intéressante d´une part parce qu´elle est poussée à un niveau histo-pathologique, d´autre part parce qu´elle décrit, à ce niveau, exactement les mêmes lésions que celles qu´on peut reproduire expérimentalement chez l´animal: les structures tronculaires atteintes ne sont pas totalement détruites, une partie seulement de leurs neurones ont l´aspect de cellules mortes, dégénérées avec un noyau pycnotique.

   Chez la souris soumise à un traumatisme crânien, frontal, mineur, et sacrifiée après quelques jours de survie au cours desquels l´existence de troubles posturaux a été dûment identifiée, Tangapregassom et al. (1983) décrivent exactement le même type de lésion dans des noyaux du tronc cérébral, variables selon les sujets. Tout se passe comme si l´onde de choc avait décimé une partie seulement de la population neuronale de ces noyaux.


b) Lésions de la tige cervicale

   On ne frappe pas une masse importante comme l´extrémité céphalique sans impliquer la tige qui la supporte.

   De fait Wackenheim (1972) a décrit cinq signes radiologiques originaux concernant la traumatologie de la région cervico-occipitale. Avec Gentaz (1975) nous avons recherché ces signes radiologiques d´atteinte cervicale chez 100 patients qui souffraient d´un syndrome post-commotionnel après avoir été victimes d´un traumatisme apparemment purement céphalique et nous avons retrouvé l´un ou l´autre de ces signes chez 49 de ces sujets.


c) Lésions de l´articulation temporo-mandibulaire

   Les accélérations/décélérations de la masse céphalique consécutives à un traumatisme crânien sont transmises à la mandibule par l´intermédiaire des articulations temporo-mandibulaires. Il est donc possible, et parfois vérifié (Avrahami, 1994) que ces articulations soient lésées par un traumatisme crânien, même si cela est plus fréquent après un coup de fouet (Garcia, 1996; Pressman, 1992).

2) L´interrogatoire du syndrome post-commotionnel


   La liste des symptômes dressée par Pierre Marie n´a pas beaucoup évolué depuis 1916.

   Le terme «d´éblouissements» a progressivement été oublié, on a trouvé sans doute qu´il distinguait mal les sensations vertigineuses et/ou l´instabilité des signes fonctionnels d´hétérophorie. On peut le regretter car ce terme «d´éblouissements», plus proche du discours des patients, soulignait un rapport entre les sensations vertigineuses et la vision, l´oculomotricité.

   Petit-Dutaillis et Weil (1958) ont fourni des arguments pour que les troubles de la soif et de la diurèse apparus après un traumatisme crânien puissent lui être rapportés.

   Par contre la conduite de l´interrogatoire a été précisée. Il doit être ouvert dans un premier temps, ne posant au patient qu´une seule question: «Qu´est-ce qui ne va pas depuis l´accident?». Après épuisement des réponses spontanées, et alors seulement, il convient de préciser si le patient souffre ou non des symptômes qu´il n´a pas mentionnés. Lorsque le sujet a oublié plusieurs symptômes, il est difficile de penser qu´il cherche à majorer ses troubles (Filliozat et al., 1975).

 FIG. 2 - Projection sur les deux premiers axes d'une analyse factorielle des données de l'interrogatoire.
PC: Durée de la perte de connaissance,
SA: Nombre de symptômes annoncés spontanément à l'interrogatoire ouvert,
SD: Nombre de symptômes découverts à l'interrogatoire fermé
N= 987
La projection fait apparaître une relation entre la durée de la perte de connaissance, prise comme témoin de la gravité du traumatisme, et le nombre des symptômes dont souffrent les patients, pris comme indice de gravité du syndrome post-commotionnel.
(d'après Amphoux et al., 1977)

   L´interrogatoire avait fourni à Pierre Marie un indice d´objectivité car, disait-il, «les descriptions par tous les sujets sont absolument identiques, faites avec les mêmes expressions». Cet interrogatoire nous a fourni un autre indice d´objectivité en nous permettant de corréler la gravité du traumatisme, évaluée par la durée de la perte de connaissance, et la gravité du syndrome, évaluée par le nombre de symptômes présentés par le sujet. Une enquête sur ce thème, qui a porté sur 10.000 ouvriers du bâtiment et des travaux publics de la région parisienne, dont les résultats ont été traités par une analyse factorielle, manifeste à l´évidence l´existence d´une telle corrélation (figure 2)(Amphoux et al., 1977).


3) Le bilan postural

 

   Les sujets qui souffrent d´un syndrome post-commotionnel ont du mal à tenir debout. Il est donc logique que l´examen clinique s´attache particulièrement à l´exploration des anomalies de cette posture et de son contrôle.


a) Le contrôle de la posture orthostatique

   Tenir debout implique deux activités neuro-musculaires. Une activité tonique et une activité phasique. L´une et l´autre doivent être examinées.

   Le tonus fixe la position des pièces squelettiques correspondant à la posture considérée. Il est facile de voir cliniquement si le tonus musculaire est symétrique ou non.

   Les bouffées de contractions phasiques luttent en permanence contre les écarts de la verticale de gravité par rapport à sa position moyenne d´équilibre. Il est impossible d´évaluer l´efficacité de cette activité phasique à l´oeil nu. La stabilométrie est le seul moyen, actuellement connu, de l´évaluer.

   Le sous-ensemble des mécanismes posturaux qui contrôlent ces activités toniques et phasiques de la posture orthostatique est nommé le «système postural fin».


b) L´examen clinique du tonus postural

   Le tonus postural est franchement asymétrique au cours des syndromes post-commotionnels. On peut le voir à l´aide de tests classiques comme la verticale de Barré ou le test de piétinement de Fukuda-Unterberger qui n´est qu´une variante de la démarche en étoile de Babinski-Weil. Mais ce test a l´avantage d´introduire la mesure des déviations de la marche, de se prêter ainsi à une validation statistique (Weber et al., 1984); au-delà de 50° du mouvement de spin on sait que le sujet sort des limites de normalité à 95%.

   Les posturologues ont peu à peu adapté d´autres tests toniques à leurs besoins:



c) La stabilométrie

   Si l´on se tient à la définition physique rigoureuse de l´équilibre - deux forces alignées, égales et de sens contraire - on doit reconnaître que l´homme debout au repos n´est jamais en équilibre, sans cesse il court après cette situation sans jamais réussir à y demeurer.

   C´est ce que montre à l´évidence la stabilométrie qui enregistre les positions successives du centre de pression de l´homme.

   Cliniquement, en station monopodale cette activité phasique est visible par la danse des tendons, en station bipodale elle est impossible à apprécier. Seule la stabilométrie permet de le faire car elle mesure une série de paramètres: longueur des déplacements du centre de pression, surface à l´intérieur de laquelle demeure le centre de pression, amplitude des oscillations posturales selon leur fréquence, etc.

   L´intérêt de cette technique d´exploration fonctionnelle n´a pas échappé aux médecins, mais pour la rendre utilisable en médecine il fallait normaliser la machine et ses conditions d´utilisation, connaître les valeurs normales des divers paramètres et leurs limites de normalité dans une population de référence, c´est chose faite depuis une dizaine d´années (Bizzo et al., 1985; Association Française de Posturologie, 1985; Guidetti, 1989).


 FIG. 3 - Histogramme des surfaces de statokinésigrammes de 800 traumatisés crâniens.
A gauche: courbe de Gauss de la distribution des surfaces de statokinésigrammes dans une population normale; 91: moyenne, 210: limite supérieure de normalité à 95%.
Histogramme des surfaces des 800 patients.
Au centre et à droite: courbes de Gauss construites sur chacun des deux modes de la distribution des surfaces parmi les patients.
Unité: millimètre carré ; situation: yeux ouverts
(d'après Gagey, 1991)

 

   Une statistique portant sur 800 syndromes post-commotionnels enregistrés sur cette plate-forme normalisée montre que le paramètre de surface du statokinésigramme de pratiquement tous ces malades se situe au-delà des limites de normalité à 95% (figure 3)(Gagey, 1991).


d) Le bilan postural prouve-t´il l´objectivité du syndrome post-commotionnel?

   La question est incontournable. L´idée nouvelle, qui nous vient de Pierre Marie, que le syndrome post-commotionnel pourrait avoir une base objective a suscité tant de controverses, parfois passionnées, qu´on ne peut pas ne pas critiquer sérieusement l´objectivité des preuves fournies par le bilan postural.

   Aucun des tests cliniques, pris isolément, ne résiste à cette critique, sauf peut-être le test des pouces. Un simulateur, ou plus simplement un malade qui veut faire bien sentir au médecin qu´il a du mal à tenir debout, peut s´incliner volontairement à la verticale de Barré, tourner en rond volontairement au test de piétinement, et même s´incliner de travers au test posturo-dynamique, quoique ce soit plus difficile. Par contre on ne saurait pas lui dire comment faire pour tricher au cours du test des pouces car jusqu´à présent aucun fondamentaliste ne nous a expliqué le mécanisme de ce test. Gênant!... le test qui semble le plus objectif garde un aspect mystérieux... En poussant la rigueur à ses limites on doit donc dire que l´examen clinique fournit seulement une présomption d´objectivité que chaque clinicien ou expert appréciera selon ses convictions.

   Les paramètres stabilométriques semblent aussi critiquables à première vue. Un sujet qui veut montrer qu´il est bien instable peut facilement osciller largement lorsqu´il est sur la plate-forme, il sait à ce moment-là qu´il est observé. Cependant une analyse plus fine de la distribution des surfaces de statokinésigramme des syndromes post-commotionnel montre qu´elle est bimodale (p<0,05). La limite entre les deux modes se situe aux environs de 2.000 mm2 de surface, ce qui correspond à des oscillations posturales dont les accélérations sont au seuil de perception des canaux semi-circulaires. Les sujets anormaux de la population comprise entre 210 et 2.000 mm2 de surface (figure 3) ne reçoivent donc pas d´informations canaliculaires sur leurs oscillations posturales.

 FIG. 4- Intercorrélation sinusoïdale
L´aspect sinusoïdal de la courbe d'intercorrélation est la preuve que les oscillations avant-arrière et droite-gauche partagent la même période. Elles ne sont plus indépendantes comme chez le sujet normal (fig. 5) et dépendent donc d'un même centre, vraisemblablement supérieur, elles sont «surcontrôlées».

   Dans la population située au-delà de 2.000 mm2, dont les sujets reçoivent des informations canaliculaires sur leurs oscillations posturales on voit apparaître un signe certain de surcontrôle postural: l´intercorrélation sinusoïdale (figure 4), qu´on rencontre chez les simulateurs et les sujets anxieux. Même si, en pratique clinique, on ne peut pas compter sur la stabilométrie pour dépister sûrement un simulateur, on est statistiquement certains (p<0,001) que, pour la plupart, les sujets de la population 210/2.000 mm2 ne simulent pas (Guidetti, 1992).

 FIG. 5- Intercorrélation normale.
Normalement le tracé de l'intercorrélation montre que les oscillations droite-gauche et avant-arrière ne partagent pas la même périodicité, elles sont indépendantes, contrairement à ce qu'on observe chez les sujets anxieux, simulateurs et sursimulateurs (Cf. la figure 4).

   La stabilométrie, statistiquement, confirme l´atteinte objective du système postural fin au cours des syndromes post-commotionnels simplement par la mesure de la surface des statokinésigrammes. D´autres paramètres stabilométriques sont en cours d´étude qui, raisonnablement, échappent à toute possibilité de simulation: le pourcentage de l´amplitude des oscillations posturales dans la bande de fréquence 0,2 Hz par rapport aux autres fréquences posturales (Gagey & Toupet, 1997).

C) Le rapport entre les lésions dues au traumatisme crânien et la clinique


   Qu´un choc sur le crâne ne jouisse pas de l´étonnant privilège de ne pas provoquer de lésions, qui pourrait s´en étonner?

   Mais que ces lésions existent, visibles non seulement post-mortem à la nécropsie mais aussi in vivo grâce à l´imagerie médicale, ne suffit pas à les considérer automatiquement comme la cause des troubles cliniques.

1) Lésions cervicales

 

   Il est admis que les entorses, les subluxations cervicales peuvent entraîner l´apparition d´un nystagmus cervical (Collard et al., 1967) et par conséquent perturber les informations de position dont le système postural fin a besoin pour stabiliser le corps de l´homme debout (Scheibel, 1988), mais l´apparition d´un nystagmus cervical peut être due à une simple restriction de mobilité du rachis cervical (Norré et al., 1976) dont la relation à un traumatisme n´est pas évidente.

 

2) Lésions tronculaires

 

   Que des lésions tronculaires puissent entraîner l´apparition de perturbations de la régulation posturale, de troubles du sommeil et de la vigilance, de déséquilibres oculomoteurs, cela est cohérent avec ce que nous savons de la physiologie de cette région.

   Le problème est plutôt posé par le type des lésions observées quelques rares fois chez l´homme, mais systématiquement chez l´animal d´expérience. A l´intérieur d´une formation tronculaire, la destruction d´une partie seulement des neurones par le passage de l´onde de choc peut-elle entraîner l´apparition de symptômes aussi importants que ceux du syndrome post-commotionnel?

   Il y a une dizaine d´années on aurait eu de la peine à répondre à cette question. Mais aujourd´hui on sait que la réduction du nombre des neurones d´une structure nerveuse entraîne une diminution de la complexité de la dynamique du réseau (Sackellares et al., 1997) corrélée, par d´autres études (Nandrino et al., 1994), à l´apparition de troubles cliniques.

   Dans le fonctionnement des systèmes dynamiques non linéaires - comme le système postural fin (Martinerie &Gagey, 1992; Gagey et al. sous presse) - on sait que de petites causes peuvent produire des effets disproportionnés.

3) Lésions de l´articulation temporo-mandibulaire


   De nombreuses publications insistent sur les rapports qui existent entre l´occlusion et la posture (Clauzade & Daraillans, 1989; Nahmani et al., 1990; Hartmann & Cucchi, 1993), si les raisons en restent ténébreuses, les faits, eux, sont faciles à observer cliniquement ou par la stabilométrie (Bonnier, 1997), ils sont reproductibles. A telle enseigne que, si une malocclusion peut être rapportée à un traumatisme crânien, il est normal de s´assurer qu´elle retentit ou non sur le tonus postural du sujet.

 

D) Traitement du Syndrome post-commotionnel



   «Etre debout c´est le propre de l´homme, de même que le langage et la pensée. Tenir sur ses deux pieds, c´est avoir les mains libres pour agir et la joie d´une maîtrise de son corps qui éclate dans la pratique des sports d´équilibre. La posture orthostatique est symboliquement profondément liée à l´image que l´homme se renvoie de lui-même.

   Ne plus tenir debout c´est l´impuissance, la dépendance, la honte, l´opposé de l´homme debout et fier de l´être.

   En face du traumatisé crânien il faut donc - à sa mesure, car l´étendue de cette brisure peut être en partie inconsciente - apprécier la dimension de sa blessure narcissique et en évaluer les échos émotionnels.» Ce remarquable texte de Ferrey (1995) nous permet de comprendre l´importance de l´abord psychosomatique des syndromes post-commotionnels. Il faut certainement tout faire pour qu´ils ne développent pas les complications psychiatriques prévisibles.

   Si des traitements posturaux (Gagey &Weber, 1995) améliorent, ne fusse que pour un temps, les désordres toniques ils faciliteront grandement la tâche du psychiatre. A l´inverse le succès, même relatif, d´une psychothérapie retentira sur les désordres posturaux car l´influence du système nerveux autonome sur le système postural est loin d´être négligeable.

   Le traitement des syndromes post-commotionnels n´a rien de glorieux, on n´efface pas d´un coup de baguette magique les lésions dues au traumatisme et les thérapeutes doivent accepter que les patients reviennent souvent leur dire qu´ils ne vont pas mieux. Mais les années passant le syndrome finit pas s´estomper laissant au thérapeute le sentiment qu´il a quand même été utile, non parce qu´il aurait guéri le syndrome, mais parce que le patient est revenu régulièrement le voir.


E) Conclusion


   Tous les thérapeutes ont raison qui, avec Hippocrate, considèrent que les troubles psychiatriques ont une importance primordiale dans l´évolution du syndrome post-commotionnel. Ne plus pouvoir tenir debout représente une atteinte si grave de la personne qu´on peut en redouter les conséquences psychiatriques les plus fâcheuses.

   On comprend les hésitations des experts, ils ne disposent d´aucun critère formel pour s´assurer que tel patient n´exagère pas ses troubles pour en tirer quelques bénéfices. Mais dans le doute faut-il prendre le risque d´aggraver l´évolution du syndrome post-commotionnel en ajoutant le vécu d´une injustice à celui des troubles posturaux?

   Les thérapeutes souhaiteraient au contraire qu´au cours de leur première rencontre expert et patient, présumé honnête, fixent ensemble à l´amiable un taux d´IPP à soumettre qui satisfasse les deux parties. Une telle attitude s´inspirerait du souci thérapeutique de ne pas aggraver l´évolution du syndrome post-commotionnel par une décision jugée injuste et tout le monde aurait à y gagner puisque ni le syndrome post-commotionnel ni l´IPP ne sont définitifs.

   Et nous avons la faiblesse de croire que l´intervention judicieuse des médecins peut influencer favorablement le devenir du syndrome post-commotionnel.


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